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est d’abord chargé en 1669 de mesurer l’arc du méridien, de 1 degré environ, compris entre la ferme de Malvoisine, au nord-est de La Ferté-Aleps, et la flèche de la cathédrale d’Amiens. Il commence par tracer une base de 5 663 toises sur la route de Villejuif à Juvisy, au sud de Paris, et construit un premier triangle dont les sommets sont occupés par Villejuif, Juvisy et Brie-Comte-Robert ; puis, s’avançant vers le nord en laissant Paris à l’ouest, il trouve, pour la distance de Malvoisine à Amiens, une longueur de 78 850 toises. Son réseau trigonométrique comprenait la méridienne de Paris. A l’aide d’observations astronomiques, Picard obtint la distance de cette ligne aux points correspondans de la triangulation, ainsi que les longueurs de ces fractions de méridien ; enfin, ayant déterminé par l’observation des mêmes étoiles les latitudes des points extrêmes de sa chaîne de triangles, le même astronome en conclut que sous le parallèle de Paris la valeur du degré était sur la terre de 57 060 toises, — résultat qui ne diffère que de 314 toises de celui qu’avait obtenu un siècle auparavant le médecin Fernel.

Cependant l’Académie se préoccupait d’une autre détermination qui se rattache intimement à la figure de la terre, celle de la longueur du pendule. En effet, si la terre est une sphère parfaite, homogène, la longueur du pendule battant la seconde ne sera influencée que par la force centrifuge, conséquence de sa rotation ; cette force, nulle aux pôles, qui restent toujours immobiles, atteindra sa plus grande valeur à l’équateur. Si au contraire notre globe est un sphéroïde aplati aux deux pôles, la pesanteur agissant avec plus d’intensité vers les régions polaires, moins distantes du centre de la terre, cette variation d’intensité vient s’ajouter à la force centrifuge pour modifier la longueur du pendule. L’Académie, pour résoudre le problème, expédia en 1672 à Cayenne, colonie située sous l’équateur, l’astronome Richer. Celui-ci constata que la longueur du pendule battant la seconde à Cayenne est de 0m,991, tandis qu’à Paris elle est de 0m,994, et Laplace détermina plus tard la relation mathématique qui lie la longueur du pendule à l’aplatissement du sphéroïde terrestre. On ne peut se faire une idée des précautions infinies dont le physicien doit s’entourer pour ce genre d’observations, ni de toutes les corrections minutieuses, mais nécessaires, lorsqu’il s’agit d’apprécier une différence de longueur qui, entre Paris et Cayenne, n’est que de 3 millimètres. De nos jours, les perfectionnemens de la mécanique pratique et les progrès de la physique ont rendu ces expériences plus faciles et plus sûres ; toutefois on ne saurait trop admirer les résultats obtenus par Richer, qui dut suppléer, il y a juste deux siècles, à l’imperfection de ses instrumens par une patience inépuisable et une sagacité peu commune.