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cercle azimuthal entre autres, avaient dû être hissés par cette cheminée. Un maçon avec ses matériaux l’avait franchi pour construire au sommet un pilier en briques sous la direction du capitaine Bassot ; un mineur y avait porté ses lourds fleurets, afin de forer dans la roche un trou de la profondeur de 1 mètre ; des charpentiers chargés de grosses poutres destinées à soutenir les abris résistans sous lesquels les instrumens géodésiques et météorologiques étaient abrités avaient dû escalader ce couloir. La cheminée aboutit au sommet de la montagne, qui n’a guère que 8 mètres de long sur 5 de large. Ce sommet est formé par la rencontre de deux arêtes, l’une, praticable, qui s’abaisse rapidement vers le nord-est, l’autre, abordable seulement pour de hardis montagnards, qui se dirige vers le nord en se maintenant d’abord à la même hauteur pour plonger ensuite tout à coup vers la plaine. C’est cette arête qui. donne au Canigou, vu de loin, l’apparence d’une montagne terminée par un double sommet. Les deux arêtes sont formées de couches de micaschiste redressées verticalement et coupées sous tous les angles imaginables par des filons de quartz d’une éclatante blancheur. La cheminée est comprise dans l’intervalle de deux couches verticales de micaschiste. Cette roche subit l’action du temps, elle se dégrade. Sous l’influence des agens atmosphériques, les parties les moins résistantes se détruisent et s’éboulent, les autres restent debout sous la forme de pilastres, d’aiguilles ou de murs dont l’ensemble nous rappelait douloureusement les ruines de l’Hôtel de Ville de Paris. Vers l’est, le sommet du Canigou surplombe des escarpemens verticaux qui plongent dans un étroit vallon abrité des rayons du soleil, où la neige persiste tout l’été, en alimentant le ruisseau qui se jette à Prades dans la rivière de la Têt. Au-delà s’étend la verte forêt de Pons, qui conduit dans la vallée de Ballestavy.

Pendant les dix jours que nous avons séjourné au sommet du Canigou, ces lieux solitaires avaient pris une animation extraordinaire. Nos agiles fantassins étaient sans cesse sur le chemin du campement au sommet. Tous les matins, avant le jour, nous y montions pour continuer les observations météorologiques de diverse nature qui remplissaient les loisirs forcés qu’un temps variable ou brumeux imposait à la géodésie. Le sommet du Canigou avait été transformé en un véritable cabinet de physique. Thermomètres, psychromètres, destinés à indiquer les températures et l’humidité de l’air, étaient disposés sous une toile qui les mettait à l’abri du soleil ; d’autres thermomètres étaient enfoncés à diverses profondeurs dans le sol. Des baromètres pendaient le long de forts poteaux portant le toit qui ombrageait les instrumens. La cabane en pierres plates qui se trouve au sommet était remplie de caisses d’instrumens magnétiques et géodésiques. Sur l’extrémité