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imposera sa volonté aux forces du monde. Quand il est brisé par elles, cela se fait à leur insu ; quand il les asservit, c’est en pleine connaissance de cause.

Ces corpuscules eux-mêmes, ces monades ultimes où réside la vie, ne pourrait-on pas les considérer à leur tour comme susceptibles d’éprouver des modifications intérieures et de manifester des propriétés nouvelles ? Il est bien intéressant de remarquer que le même élément anatomique présente la même composition dans toutes les espèces vivantes, aux degrés les plus humbles comme aux sommets de l’échelle zoologique, — c’est-à-dire que les molécules vivantes, quelle que soit la variété des systèmes divers qu’elles forment en s’associant, sont au fond toujours les mêmes. A quoi tiennent cette unité et cette fixité de composition des élémens dont sont ourdies les trames organiques ? À ce fait, qu’ils vivent tous dans le même milieu et absorbent tous en définitive des matériaux nutritifs identiques. — On pourrait croire que l’organisation exerce une action élective dans la masse des corps qui l’entourent, qu’elle a une affinité spéciale pour tels principes et de la répugnance à en assimiler d’autres. A coup sûr, certaines substances, en très petit nombre, sont essentiellement incompatibles avec la vie, du moins telle que nous la concevons ; mais cela ne démontre pas que les organismes aient reçu la faculté d’exercer un choix déterminé dans l’ensemble des ingrédiens chimiques de l’air, de la terre et de l’eau. Les premiers germes et les animaux qui en sont sortis ont pris naturellement et spontanément autour d’eux ce qu’ils ont trouvé et s’y sont habitués peu à peu. Le limon dont une main-mystérieuse les a façonnés est une combinaison complexe de tout ce qui existe dans le milieu où ils plongent. Le hasard de la constitution originelle est devenu la loi de la constitution ultérieure. Les principes immédiats ainsi assimilés plus ou moins facilement pendant les périodes rudimentaires se sont ensuite adaptés, sous l’empire de l’hérédité, aux conditions les-plus favorables à la vie, l’harmonie s’est graduellement faite entre la matière et la forme, et la nature des fonctions a suivi celle des organes. Du moins rien n’autorise une assertion contraire, et tout porte à penser que, si les matériaux de la couche terrestre avaient été autrement proportionnés ou répartis, la composition des organes vivans ne serait pas celle que nous connaissons. On voit par là qu’il n’y a rien que de très rationnel à se demander si on ne pourrait pas entreprendre de modifier directement la composition actuelle des élémens anatomiques.

Cette seconde conception, qui recule bien plus encore que la précédente les limites du déterminisme physiologique, est susceptible aussi de vérifications expérimentales. De même qu’on agit sur les phénomènes évolutifs, on peut, par des procédés d’une méthodique