Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 97.djvu/130

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aujourd’hui recommencer son éducation. Par la diversité, de même que par l’étendue, le tableau de l’empire britannique mérite donc d’attirer l’attention. Cette étude se recommande encore d’un autre côté. Étant donné que les grandes nationalités sont le régime politique actuel du monde civilisé, la Grande-Bretagne ne jouerait qu’un rôle secondaire, si elle était réduite à ses possessions européennes, tandis qu’avec ses dépendances coloniales elle exerce une influence considérable en Amérique et en Asie aussi bien qu’en Afrique et dans l’Océanie. Seulement, comme cette grandeur cosmopolite n’a de précédent dans l’histoire moderne que la grandeur coloniale de l’Espagne au XVIIIe siècle, qui s’est écroulée, il est naturel de se demander si la prospérité présente est durable, quels sont les rapports entre la Grande-Bretagne et ses dépendances, quel lien les rattache, si ce lien se resserre ou s’il se relâche avec le temps.

Le nom de colonie ne devrait en toute justice être appliqué qu’aux groupes d’émigrans qui se transportent dans une contrée déserte avec les mœurs et les lois de la mère-patrie. Ces émigrans ont un droit incontestable à ne pas être gouvernés autrement qu’ils ne le seraient sur la terre natale. C’est ainsi que le comprennent les Anglais qui s’expatrient. Lorsque sir Walter Raleigh entreprit de fonder un établissement en Amérique, la reine Elisabeth garantit par lettres-patentes aux compagnons de cet aventureux chevalier qu’ils continueraient à jouir sur la terre étrangère de tous les privilèges qui leur appartenaient en Angleterre. Cependant il est d’usage de comprendre aussi sous ce nom de colonies les provinces d’outre-mer conquises sur des souverains de race inférieure, de même que les stations militaires que les nations maritimes ont besoin d’entretenir sur les côtes lointaines pour la protection de leurs intérêts commerciaux. La Grande-Bretagne s’abstient avec raison d’appliquer le même régime politique aux unes et aux autres. Sous le rapport de l’organisation sociale, les possessions anglaises se divisent ainsi en deux catégories : d’une part celles à qui des institutions parlementaires ont été octroyées, ce sont les provinces de l’Amérique du Nord, l’Australie avec la Nouvelle-Zélande et le cap de Bonne-Espérance ; de l’autre, ce qu’on appelle les établissemens de la couronne (crown settlements), soit qu’ils possèdent des conseils de gouvernement à moitié électifs, comme les Indes occidentales et Maurice, soit que le pouvoir militaire y règne absolu comme à Malte et aux Bermudes. Je laisse à dessein de côté dans cette étude l’Inde anglaise, qui forme à elle seule un état puissant, vivant sur ses propres ressources, et qui d’ailleurs n’est pas comprise en Angleterre dans les attributions du ministère des colonies.