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la question fut débattue, fit décider que les terres vacantes seraient vendues à un prix modéré, afin d’attirer les étrangers, et que le produit de la vente serait appliqué aux besoins locaux, une moitié étant toujours consacrée aux dépenses de l’émigration. Lord Grey disait avec assez de raison que les terres vacantes sont une partie du domaine de la couronne, mais que la couronne n’en peut disposer qu’au profit de la colonie. Personne au surplus n’admettait que l’on en pût tirer un revenu, si ce n’est pour payer le voyage des émigrans, pour subvenir aux dépenses d’exploration, d’arpentage et de travaux publics dans les régions nouvellement perlées. Seulement il arriva que bientôt les provinces australiennes voulurent disposer elles-mêmes des recettes que produisait cette branche du revenu public ; elles prétendaient que la métropole n’avait pas qualité pour choisir les immigrans qu’il leur convenait d’attirer chez elles, et que par exemple employer l’argent de la vente des terres à payer le voyage d’outre-mer aux plus pauvres gens des paroisses d’Angleterre serait plus nuisible qu’utile. Les gouvernemens locaux obtinrent, à force de réclamer, que la métropole leur laissât la libre disposition de cette source de revenus.

C’est que ces gouvernemens avaient obtenu à la longue tous les privilèges de la plus complète indépendance. La Nouvelle-Galles du Sud, qui fut peuplée la première, n’eut longtemps qu’une administration hybride, moitié autocratique, moitié représentative, avec un conseil législatif dont le gouverneur-général nommait Une partie des membres. En 1850, lord Grey fit voter par le parlement de la Grande-Bretagne une loi qui accordait aux provinces de l’Australasie, sauf à l’Australie occidentale, qui n’était pas encore en mesure de subvenir à toutes ses dépenses, le droit de modifier elles-mêmes leur constitution quand elles le jugeraient convenable.

Si l’on songe qu’à cette époque le Canada était encore tenu en tutelle, et qu’aucune des possessions anglaises n’était dotée d’un gouvernement libre, on comprendra que la question de savoir quelle organisation politique leur convenait le mieux était assez embarrassante. Fidèle aux traditions de la mère-patrie, lord Grey recommandait aux Anglais de l’Océanie de se donner deux chambres, l’une à la nomination de la couronne, l’autre élue par des censitaires. Ce fut en effet le type admis dans tous les établissemens de la Mer du Sud, sauf les variations qu’imposait l’esprit local. Ainsi, dans la Nouvelle-Galles du Sud, province agricole et pastorale où de grands propriétaires conservent l’influence, la chambre supérieure est nommée par le gouverneur-général, et renouvelée tous les cinq ans en même temps que l’assemblée élective ; on n’est électeur qu’à la condition de payer une taxe. Dans la province de Victoria, où le travail des mines donne la prépondérance à