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avait logé l’empereur Julien, et ses historiographes à gages s’efforçaient de le lui prouver ; mais le grand Frédéric, avec cette modestie philosophique qu’on lui connaît, rabattit généreusement quelque peu de cette croyance. « La maison de Brandebourg ou plutôt celle de Hohenzollern, dit-il, est si ancienne, que son origine se perd dans les ténèbres de l’antiquité. On pourrait rapporter des fables ou des conjectures sur son extraction ; mais les fables ne doivent pas être présentées au public judicieux et éclairé de ce siècle… Tassilon est le premier comte de Hohenzollern connu dans l’histoire[1]. Il vécut vers l’an 800, etc. « Il a fallu beaucoup réduire de cette auguste antiquité lorsque la critique historique du XIXe siècle s’est appliquée à la discussion des preuves généalogiques alléguées jusqu’à nos jours à l’égard de la maison de Zollern. Tassilon s’est, hélas ! évanoui, bien d’autres héros avec lui, et de l’an 800 on a dû descendre à l’an 1061 pour rencontrer la première mention authentique du nom de Zollern dans les monumens de la Souabe, et cinquante ans plus tard encore pour trouver le début d’une filiation suivie de la famille avec sa qualification comtale. Toutes les généalogies antérieures sont chimériques et imaginaires. A cet égard, et pour être juste, on doit rendre hommage au roi Frédéric-Guillaume IV, à qui n’a point déplu l’examen critique et sincère de l’histoire de sa race.

Une discussion s’était élevée, à Berlin même, entre quelques érudits, sur le point de jonction probable des deux branches de Zollern subsistant actuellement, l’une royale en Prusse, l’autre princière en Souabe, laquelle jonction n’avait pas laissé de trace précise et de preuve justifiée, quoique moralement assurée d’ailleurs. Le roi Frédéric-Guillaume IV, dont tout le monde a connu les habitudes studieuses et le profond savoir, provoqua les recherches de l’érudition sur un sujet qui l’intéressait sensiblement, — à l’exemple de la maison de France, qui avait fait écrire son histoire par les Sainte-Marthe et les bénédictins, — l’exemple de la maison d’Autriche, qui, au siècle précédent, avait invité le savant dom Hergott à composer cette monumentale histoire généalogique de la maison de Habsbourg, admirée par Foncemagne, laquelle a clos les interminables débats ouverts entre les historiographes du temps sur l’origine et la filiation de la grande maison impériale. L’initiative du roi Frédéric-Guillaume IV a donné naissance aux Monumenta Zollerana. Prenant pour modèle les travaux exécutés en France par Duchesne Baluze, Laroque et autres pour nos grandes familles historique

  1. On lit encore cette généalogie de fantaisie dans l’Histoire généalog. des maisons souveraines de l’Europe, publiée (en allemand) par M. Naumann. Iéna 1855, in-4o.