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l’écho à Balleroy ; le marquis de La Cour écrit le 30 décembre 1718 : « On ne parle que de la belle tragédie de M. Haroüet… M. le duc d’Orléans a donné une médaille d’or à M. Haroüet en récompense de sa belle tragédie d’Œdipe. « Il y revient le 16 janvier suivant et signale la durée de cet éclatant succès : « Œdipe est toujours fort suivi. » Une lettre du 3 mai 1719 raconte avec force détails la querelle de l’irritable poète et du comédien Poisson. C’est encore le marquis de La Cour qui se fait le messager de la première représentation d’Artémire, le 17 février 1720 ; mais l’événement cette fois est bien différent : « Ce pauvre Haroüet eut hier une mauvaise réussite à sa nouvelle pièce. Le premier acte fut fort applaudi, les autres furent siffles en plusieurs endroits. » Le 10 janvier 1722, nous apprenons que Voltaire a reçu 500 écus de pension, et le 20 mars 1723, que M. l’abbé Dubos a été nommé « pour examiner s’il y a rien dans le poème d’Henri IV qui puisse choquer à Rome. » D’un bout à l’autre de la correspondance, Voltaire est cité non pas seulement à titre de célébrité contemporaine, mais comme un ami de la maison.

A mesure qu’on s’éloigne du monde brillant des d’Argenson et des Caumartin, où, selon le mot si juste de ce même Voltaire, le cœur parlait avec esprit, lorsqu’on descend vers le ban et l’arrière-ban convoqué par la châtelaine de Balleroy, ce n’est pas uniquement le bon vouloir qui diminue, c’est le mérite qui baisse avec le degré de parenté : la marquise, entre tous ses privilèges, avait eu ce bonheur singulier de trouver les meilleurs des hommes parmi ceux qui la touchaient de plus près, les talens les plus distingués réunis au dévoûment le plus sincère pour sa personne. Rangeons dans cette élite le baron de Breteuil, son cousin, dont les nombreuses lettres ne seraient pas indignes de Caumartin de Boissy ; il les dictait à un secrétaire, en ajoutant de sa main, sous une forme légère, quelque ingénieux post-scriptum. — « Si vous me tenez la parole que vous me donnez de m’écrire des nouvelles quand vous serez à Paris et que j’en serai absent, j’y gagnerai beaucoup, car ordinairement les dames heureusement nées rendent au moins deux pour un… Bonjour, ma chère cousine, si vous ne m’aimez pas après tout ce que je vous envoie de nouvelles, vous êtes une grande ingrate. » D’autres parens, plus obscurs, se défiant de leur mérite et de l’agrément de leur commerce, essaient de s’accréditer en prodiguant les petits cadeaux ; ils mêlent aux nouvelles qu’ils ont recueillies l’annonce des envois qu’ils méditent, et, dans la même page où ils racontent un changement de ministère, un lit de justice, la banqueroute de Law, on est tout surpris de lire : « J’ai retrouvé le pâté égaré, madame, il est en parfait état et vous sera envoyé aujourd’hui même… Puisque vous trouvez mes fromages bons, je ne manquerai pas de