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différens points de notre territoire. On ne pouvait prendre une mesure qui fût plus favorable au développement de l’œuvre de colonisation et à l’unification du pays dans nos mains ; aussi a-t-elle été accueillie par l’assentiment de tous.

Les transports de troupes et de matériel se sont faits jusqu’à ce jour par des canonnières et des chaloupes. Les petites canonnières de guerre, en station dans les provinces, circulent seules sur les fleuves et les canaux, prêtant leur appui moral au besoin leur concours effectif, aux inspecteurs, souvent éloignés de tout poste militaire capable de les protéger. Malgré l’activité que déploient ces petits navires, leur nombre, restreint par les exigences du budget de la flotte est insuffisant pour une circulation aussi fréquente qu’on pourrait le désirer. Des semaines, parfois des mois, s’écoulent sans que les riverains des grands fleuves aperçoivent notre pavillon et sentent notre influence. Les canonnières et leurs gros canons sont bien connus, il est vrai, des Annamites ; il suffit ordinairement de la présence de l’une d’elles dans une province pour que les gens mal intentionnés, voleurs de grands chemins ou autres, se tiennent prudemment dans le fond de leurs barques ; toutefois il est regrettable, — et l’on a pu le reconnaître à l’époque où les insurrections étaient fréquentes, — que la surveillance générale ne soit pas plus étendue.

Le passage hebdomadaire ou tout au moins bi-mensuel de grands navires à vapeur faisant escale à différens points de leur parcours doit forcément remédier à cet état de choses, ouvrir, pour ainsi dire, bien des contrées où l’on ne nous connaît pas, et nous donner les moyens pratiques d’en visiter d’autres que nous ne connaissons guère. Il est en effet aujourd’hui assez difficile de voyager en Cochinchine, et les difficultés sont naturellement d’autant plus grandes que l’on est moins au courant des allures du pays. Le moindre déplacement prend les proportions d’une expédition, d’un voyage de découverte : il faut fréter une barque, emporter ses vivres, avoir un guide, un interprète, profiter des marées, dormir en compagnie d’insectes qui souvent sont fort gênans. Les touristes y trouvent leur compte, et pour eux rien n’a plus de charme que ces voyages en bateau, la nuit, sous le ciel étoile, sur ces rivières bordées de verdure où l’on glisse sans bruit, comme des ombres. Les gens pressés, les gens d’affaires, sont moins sensibles à ces beautés ; tant de lenteur les arrête, et de nombreux voyageurs de passage en Cochinchine en sont partis sans la connaître, faute de moyens commodes et rapides de se déplacer. Les bateaux de la compagnie que va subventionner le budget local permettront de se rendre promptement et sans peine de Saigon sur tout autre point :