l’ébranlement général dont le conflit de l’Autriche et de la Prusse était l’occasion si fâcheuse[1].
Le mal était déjà grand, car les invasions violentes de la Prusse en Hanovre, en Holstein, en Hesse, en Franconie, et l’agrandissement immodéré des domaines de la maison de Zollern étaient consacrés. La confédération germanique, construite avec tant de peine en 1815, était dissoute, et à la place de cet état collectif, où l’influence de l’Autriche balançait l’influence de la Prusse au milieu d’un groupe d’états secondaires, mais souverains aussi, dont l’indépendance pouvait s’appuyer d’alliances extérieures, le traité de Prague du 23 août 1866 excluait l’Autriche de toute participation aux affaires de l’Allemagne ; il établissait une confédération nouvelle, fondée, organisée, présidée par la Prusse, entre les états situés au nord de la ligne du Mein, en face d’une autre union des états du sud dont les liens nationaux avec l’union du nord devaient être ultérieurement et librement réglés par une entente commune des puissances allemandes. Oui, le mal était déjà grand, car ce n’était plus un congrès européen, comme ceux de 1814 et de 1815, qui réglait dans un intérêt général la constitution de l’Allemagne. C’était la maison de Zollern qui du droit de la victoire constituait une Allemagne à sa guise, et, sous le nom de confédération du nord, fondait une Prusse agrandie, menaçante, en attendant de porter plus loin son ambition et ses conquêtes ; mais le mal était fait, le temps, la sagesse, les influences habilement ménagées, pouvaient seules réintégrer le bon droit dans la supériorité morale qu’il avait perdue, et rendre à l’Europe les garanties d’ordre et de sécurité qui venaient de s’évanouir. Le rôle à garder était donc très difficile, on ne saurait le méconnaître. Nous fîmes d’abord à mauvais jeu bonne mine ; nous sourîmes au nouveau droit des gens imposé par l’épée, nous acceptâmes gracieusement l’élévation d’un Zollern à la dignité souveraine des principautés unies de Moldo-Valachie. C’était un pas de plus du rocher à la mer, notre courtoisie ne s’y démentit pas. Le firman qui autorisait cette nouveauté caractéristique est du 23 octobre 1866. Il fut notifié le 24 aux puissances garantes de l’intégrité de l’empire ottoman ; l’adhésion de la France ne se fît pas attendre. La pente cependant devenait de plus en plus glissante ; nous disparaissions en réalité de cette hégémonie européenne si glorieusement raffermie en 1856, si imprudemment troublée, malgré des apparences trompeuses, en 1860. Nous étions isolés, désarmés, pris dans nos propres lacets. Une sublime patience
- ↑ Voyez la collection des Traités de M. De Clereq, t. IX, p. 599, 604 et 607, et le volume récemment publié par M. le comte Benedetti, ma Mission en Prusse, Paris 1871, in-8o.