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dans l’exercice de son droit de souveraineté nationale, le nouvel empire est héréditaire. Au lieu des capitulations qui soumettaient l’empereur élu aux conditions politiques imposées par les électeurs, le décret constitutif fixe les attributions du nouveau monarque, les soustrait à la discussion comme à la critique, et en réserve même à l’empereur les modifications ultérieures. Au lieu de garder sa liberté vis-à-vis de ses familles souveraines, avec lesquelles, depuis l’extinction des Carlovingiens, l’Allemagne n’avait plus voulu contracter d’engagemens indéfinis, l’empire d’Allemagne s’est aujourd’hui définitivement enchaîné à la couronne de Prusse et à la maison de Zollern. Au lieu du partage de la souveraineté germanique entre l’empereur et la diète, l’exercice de la souveraineté tout entière est conféré à l’empereur nouveau, sauf la discussion des impôts par le Reichstag ; mais le pouvoir impérial exerce exclusivement le droit de législation sur les affaires militaires de terre et de mer, sur les finances de l’empire, le commerce, les postes et télégraphes et les chemins de fer, en tant qu’ils sont jugés nécessaires à la défense de l’empire. Le Reichstag a dans ses attributions les pouvoirs de police et de localité ; l’empereur, dépositaire du pouvoir exécutif, a le droit suprême de gouvernement intérieur, la direction supérieure des relations étrangères, la représentation complète de l’empire dans les rapports internationaux, le droit de déclarer la guerre, de conclure la paix, de contracter des alliances, de faire des traités de commerce, le commandement souverain des forces de terre et de mer, l’administration dictatoriale des affaires de la guerre sans contrôle. Ajoutez que le service militaire est obligatoire pour tous les sujets de l’empire, que la durée de ce service est en tout de douze ans, dont trois dans l’armée active, cinq dans la landwehr et quatre dans la réserve ; c’est la nation entière sous les armes. Tel est le régime impérial des Zollern. En temps de paix, ils ont dix-huit corps d’armée organisés à leurs ordres. C’est le résultat matériel de la révolution accomplie, résultat formidable et sans recours. Du matériel, passons à l’esprit des choses.

Ce n’est point l’empire allemand, dont la maison d’Autriche s’est démise en 1806, qui a été restauré à Versailles par la proclamation du 18 janvier 1871 ; ce n’est pas même l’empire des Otton, c’est le saint-empire germanique fondé par Charlemagne. L’empire des Otton, des Franconiens, des Hohenstaufen, réservait la liberté de l’Allemagne, car il était électif ; l’empire carlovingien l’absorbait par l’hérédité comme par la puissance. Tel est le caractère que reproduit l’empire zollérien. M. de Raumer, appréciant l’ambition et les fautes des Hohenstaufen, disait il y a trente ans : « L’empereur, chef temporel de la chrétienté, ne concentrait plus en lui toute la