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tétanos en les soumettant à l’influence du calorique, en leur faisant prendre des bains d’air très chaud. L’élévation de la température des muscles tétanisés a suffi pour modifier ceux-ci et les ramener à l’état sain. Ici le poison est devenu remède.

Tels sont les effets de l’élévation de la température sur les animaux. Voyons maintenant ce que ceux-ci deviennent lorsqu’on les plonge dans des milieux froids. On connaissait depuis longtemps des faits curieux concernant la congélation de certains d’entre eux. Pendant son voyage en Islande (1828 et 1829), M. Gaimard, ayant exposé en plein air une boîte remplie de terre au milieu de laquelle se trouvaient des crapauds, ouvrit celle-ci au bout d’un certain temps, et les reptiles, devenus durs et cassans, étaient congelés ; cependant on put les rappeler à la vie en les mettant dans de l’eau tiède. Beaucoup d’anciens auteurs citent des cas analogues, et on conçoit jusqu’à un certain point qu’un grand physiologiste anglais ait pu, un instant, en tirer la singulière conclusion que voici. John Hunter s’imagina qu’il serait possible de prolonger la vie indéfiniment en plaçant un homme dans un climat très froid et en l’y soumettant à une congélation périodique. Cet homme, se disait-il, vivrait peut-être un millier d’années, si au bout de dix ans on le gelait pour cent ans, quitte à le dégeler au bout de cette période pour dix nouvelles années, et ainsi de suite. « Comme tous les faiseurs de projets, ajoute Hunter, je m’attendais à faire fortune avec celui-là, mais une expérience me désillusionna complètement. » Ayant mis des carpes dans un mélange réfrigérant, il reconnut en effet que, lorsqu’elles sont entièrement congelées, elles sont mortes sans retour. Il en est de même pour tous les autres animaux, ainsi que l’ont établi des expériences récentes et fort remarquables de M. F.-A. Pouchet.

L’influence du froid sur les êtres organisés varie selon que l’on considère les animaux supérieurs ou les espèces inférieures. En général, on peut dire qu’il faut une température ambiante très basse pour refroidir beaucoup les animaux, attendu que la chaleur vitale qu’ils développent s’y oppose énergiquement. Cependant les mammifères des régions arctiques, malgré l’épaisse fourrure qui les protège, ne bravent la température du pôle (parfois égale à 40 degrés au-dessous de zéro, point de congélation du mercure) qu’en vivant sous la neige où ils se font une demeure. Les Esquimaux y creusent aussi les huttes où ils écoulent leurs tristes jours. Quand l’organisme ne peut ni réagir ni se prémunir contre des températures aussi basses, la mort arrive rapidement par congélation. Le corps est saisi, et se maintient désormais dans un état d’incorruptibilité remarquable. Tout le monde connaît l’histoire des mammouths antédiluviens retrouvés dans les glaces du pôle, où ils étaient