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le cœur et dans les poumons, allaient compromettre la vie par l’altération subite du sang, s’ils sont versés peu à peu dans celui-ci, ne le troubleront apparemment que d’une façon insignifiante.

Ainsi les travaux récens de la physiologie expérimentale nous expliquent les effets du chaud et du froid considérés comme agens toxiques. Le premier est un poison de la fibre musculaire, le second en est un des globules sanguins. — Il en est de la chaleur comme des autres élémens du milieu cosmique où vit l’animal. Elle recèle les vertus les plus opposées, à l’instar de la tendre fleur, au suc à la fois salutaire et terrible, dont le frère Laurent parle dans Roméo. Elle peut tour à tour entretenir la santé, guérir la maladie ou commander la mort.

L’homme est donc le frêle jouet de toutes les forces sourdes qui l’entourent et l’étreignent. Il a beau les asservir, il n’échappe pas aux lois inflexibles qui subordonnent l’équilibre de la vie à celui des conditions physico-chimiques les plus inférieures. Du moins il a la consolation de connaître ces lois, et de régler son existence de façon à en atténuer le plus possible les rigueurs. Quand la nature l’écrase, elle n’en sait rien, elle s’ignore elle-même ; l’homme, si petit, est plus grand que ces grandeurs aveugles, puisque la sienne, à lui, s’appelle conscience. Le sujet que nous venons d’étudier en est une belle preuve ; mais on n’en comprendrait pas tout l’intérêt imposant, si nous ne donnions en terminant la réponse à la dernière question qu’elle suggère. Cette chaleur que les phénomènes chimiques développent dans l’économie vivante, d’où vient-elle à son tour ? Elle vient des alimens, qui en définitive sont tous tirés des plantes[1], et celles-ci l’ont empruntée au soleil. Les végétaux dont la combustion s’opère au sein de l’animal en y dégageant une certaine somme d’énergie potentielle (chaleur) ne font que rendre à celui-là la force qui leur a été fournie par l’astre radieux. C’est donc une partie de la radiation solaire, emmagasinée d’abord par la plante, que l’animal rend disponible et utilise, soit pour lutter contre le froid, soit pour assurer le jeu régulier de ses fonctions, motrices. Le soleil est ainsi, on peut le dire rigoureusement, la source inépuisable de la vie comme il en est l’éternel ressort. À ce point de vue, la science confirme les intuitions, primordiales et les rêves poétiques de l’homme au berceau. La raison instruite par une longue expérience se trouve d’accord avec le sentiment naïf et spontané de ceux de nos ancêtres qui contemplèrent pour la première fois la splendeur du jour.


FERNAND PAPILLON.

  1. Sans doute nous mangeons de la viande, mais celle-ci vient d’animaux nourris exclusivement de substances végétales.