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Déjà nous avions escaladé plus d’une rampe et descendu plus d’un versant, nous avions dépassé les contre-forts du pic des geysers, haut de 4,500 pieds ; il nous restait maintenant à nous élever encore d’environ 3,000 pieds pour arriver au val des geysers, but. de notre voyage. C’était le plus rude ; à ce cruel labeur, qui les tue, les meilleurs chevaux ne résistent pas plus de deux ans ; cependant, grâce à cette ardeur indomptable qui sans doute leur vient de la main qui les guide, ce fut bientôt terminé. Nous n’avions plus qu’à descendre au fond du val. Le capitaine Foss fait une dernière halte, inspecte minutieusement les pièces de son attelage, et quand tout est en ordre : « Tenez ferme sur vos sièges ; si un choc survient, crampon nez-vous, mais ne bougez pas. » A sa voix, les chevaux sont partis, et onze minutes après nous étions devant l’Hôtel des Geysers. Nous venions de faire une glissade de 2 milles qui nous faisait descendre de 1,900 pieds, une belle montagne russe ! Dans cette course tourbillonnante, il y a trente-sept tournans sur des crêtes de rocher, et quelques-uns si brusques que les chevaux de devant ont disparu, courant dans une direction, tandis que le char glisse encore dans le sens opposé.

Enfin nous étions aux geysers, et sans la moindre avarie. L’hôtel devant lequel le capitaine Foss nous avait arrêtés forme deux corps de logis réunis l’un à l’autre par une galerie, entourés chacun de larges balcons couverts à tous les étages. A part une assise de pierres sur laquelle il repose, l’hôtel est tout entier construit en madriers et en planches, suivant le mode usité dans l’architecture navale, connu sous le nom de construction à clain : c’est. une sorte de juxtaposition avec imbrication légère qui a pour but de s’opposer à la pénétration de l’humidité. Une situation pittoresque lui donne pour abri le mamelon boisé auquel la maison est adossée, et pour vis-à-vis la brèche profonde de la crête de roches la plus voisine, dont s’échappent en tout temps des nuages de vapeurs sulfureuses. Il y a de plus un côté poétique dans l’histoire presque légendaire de cette construction. Avant la route tracée par le capitaine Foss, il n’y avait en effet dans ces parages rien qui de près ou de loin ressemblât à un chemin ; comment alors et d’où ont pu venir les pièces de charpente et les autres matériaux nécessaires a une pareille édification ? On dit que tout fut apporté à dos d’Indien, chose partout ailleurs invraisemblable, mais qui affirme une fois de plus la puissance de volonté des Américains du Nord.

En face de nous est le volcan. Il est formé par une immense