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délivrer des jésuites et organisaient des ligues qui pouvaient conduire à une dislocation de la France. Aujourd’hui ils rédigent des mandats impératifs que leurs députés acceptent ; ils réclament la dissolution de l’assemblée, la levée de l’état de siège, l’amnistie, la république radicale, tout ce qui peut le mieux servir à nous rejeter dans la confusion et retarder notre libération. Les Marseillais, on le voit, n’ont pas souffert des Prussiens, et ils s’inquiètent peu de ceux qui en souffrent ; tout pour le radicalisme, voilà leur devise ! C’est ce qu’il y a de plus clair. Que cette effervescence méridionale éprouve le besoin de s’évaporer de temps en temps, soit, c’est une fantaisie comme une autre, quoiqu’il ne soit pas tout simple à nos yeux qu’un port de guerre comme Toulon reste livré à l’esprit de secte et de révolution ; ce sont des manifestations partielles, bruyantes et stériles. Ce qu’il y a de certain et d’incontestable, c’est que cela ne change rien à notre situation, à notre intérêt essentiel, c’est que dans l’immense majorité du pays, dans cette masse qui ne vit pas d’agitations, il y a le sentiment de la nécessité de la paix, de la sécurité par la trêve patriotique des opinions. C’est à ce sentiment intime, impérieux, que l’assemblée et le gouvernement ont plus que jamais le devoir de donner une juste satisfaction en réprimant toutes les périlleuses excentricités de l’esprit de parti, en s’élevant à l’intelligence des grandes questions auxquelles le sort du pays est attaché, en évitant surtout pour leur part de se laisser aller à d’obscurs antagonismes par lesquels ils ne feraient que se déconsidérer mutuellement, en s’appliquant enfin à maintenir dans toute sa force, dans toute son intégrité, une situation qui a été créée pour la sauvegarde d’un grand intérêt national, non pour préparer une proie aux partis et aux ambitions impatientes.

Si on veut que le régime parlementaire garde son efficacité et son crédit, il faut qu’il se montre au niveau des redoutables problèmes qui pèsent sur la France, qu’il ne se laisse pas énerver par les petites tactiques et les petites considérations. Si on veut que le pays se rassure, qu’il puisse résister aux agitateurs et aux intrigans, il faut qu’il se sente conduit, soutenu et garanti contre les aventures. Si on veut que les partis se plient à une discipline, s’accoutument à certaines règles et mettent enfin leur raison à la place de leurs passions ou de leurs calculs, il faut que l’exemple vienne de haut, de la majorité de l’assemblée, du gouvernement ; il faut que ces pouvoirs offrent le spectacle du respect mutuel, de la franchise dans leurs rapports, d’une action ferme et coordonnée, dédaignant les partis-pris de la passion aussi bien que les sous-entendus, qui deviennent si aisément des malentendus. Il ne s’agit plus aujourd’hui véritablement de lutter d’habileté et de finesse dans des tournois parlementaires où l’amour-propre des hommes triomphe trop souvent aux dépens des institutions ; la meilleure politique au moment où nous