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la même source. Le suffrage universel souffle où il veut, il nomme les députés qui lui conviennent ; le suffrage universel, c’est le nombre ; il n’est pas chargé de réfléchir. L’Académie est une réunion d’élite, elle ne compte que quarante membres choisis parmi les premiers écrivains de la France. Une réunion de cet ordre implique évidemment une solidarité plus intime entre ceux qui en font partie, en même temps qu’elle suppose plus de maturité dans les choix et plus de responsabilité chez ceux qui choisissent. Chose curieuse, au même instant il y a eu à Paris deux élections très différentes, l’une académique, l’autre toute politique pour la nomination d’un député à l’assemblée nationale. Quel genre d’autorité auraient pu avoir les académiciens qui ont élu M. Littré pour détourner la population parisienne d’élire M. Victor Hugo ? M. Littré est un érudit, M. Victor Hugo est un grand poète ou il l’a été. Tout compte fait, il se trouve que l’Académie, sans y songer, a donné un argument contre le suffrage à deux degrés. C’est elle cette fois qui a élu un radical, c’est le suffrage universel direct qui élit un homme d’une grande modération d’opinions. Et voilà ce que c’est que la sagesse même à l’Académie !

CH. DE MAZADE.


ESSAIS ET NOTICES.

LES CHEMINS DE FER FRANÇAIS.


'De l’Exploitation des chemins de fer, par M. P. Jacqmin, directeur de l’exploitation des chemins de fer de l’Est ; 2 vol. in-8o.

Les personnes qui suivent dans les publications spéciales le mouvement industriel de notre époque se souviennent peut-être d’avoir lu dans les Rapports officiels sur l’Exposition de Londres en 1862 deux documens qui avaient l’un et l’autre les chemins de fer pour objet, qui étaient écrits par des hommes compétens, et qui arrivaient à des conclusions directement opposées. L’un de ces rapports, signé par M. Perdonnet, un vétéran de l’industrie des chemins de fer, prenait énergiquement le parti des directeurs et ingénieurs des compagnies contre les réclamations incessantes et, suivant lui, mal fondées du public. L’autre rapport, dû à un négociant, M. Villeminot-Huard, soutenait au contraire que les administrations des chemins de fer français sont mal organisées, négligentes des intérêts du public. À l’en croire, il était essentiel que le gouvernement se préoccupât du dommage causé par elles à l’industrie privée ; à défaut de l’intervention gouvernementale, il engageait les consommateurs à se coaliser, à s’organiser en comités de défense capables de lutter au besoin contre le monopole des compagnies.