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une barbe au menton. Voilà pourquoi on lit dans le Deutéronome (XXII, 5) : « Une femme ne prendra point le costume d’un homme, ni un homme des vêtemens de femme. »

Ces kedeschim allaient donc par les bourgs et par les villes, précédés de joueurs de flûte et de musiciens qui soufflaient dans des trompes. Les bras nus jusqu’aux épaules, ils brandissaient des coutelas, des fouets garnis d’osselets, sorte de disciplines, et dansaient dans les rues aux sons d’une musique sauvage de flûtes, de crécelles, de sistres, de fifres, de cymbales et de tambourins. Arrivés dans la cour d’une ferme ou sur une place publique, ils se mettaient à pousser des hurlemens, et, la tête renversée, le cou tordu, ils se tailladaient les bras avec des couteaux. Puis le plus furieux de la bande, tout ruisselant de sang, commençait à prophétiser[1] . Le tout se terminait par une quête dans laquelle les kedeschim recueillaient des figues, de l’huile, du froment et quelques pièces. d’argent. L’es hiérodules femmes, les kedeschoth, parcouraient aussi le pays en jouant du tympanon ; des cymbales et de la double-flûtei. Les Syriennes ont toujours eu dans l’antiquité la réputation d’être bonnes musiciennes. Ces sortes de bayadères paraissent avoir été fort nombreuses dans les villes de La Phéniciè et de la Judée. Isaïë[2] nous a conservé un fragment de chanson populaire qu’on avait faite sur elles : « Prends ta cithare, parcours la ville, courtisane oubliée ! Joue bien, chante beaucoup, pour que l’on se souvienne de toi ! »

Nous avons essayé de démontrer que la religion primitive dès Beni-Israêl, comme celle de la Chaldée et de l’Assyrie, était une religion naturaliste où dominait l’élément sidéral. Et cependant nous n’avons rien dit du culte des astres et des constellations du zodiaque en « mansions célestes, » que le peuple de Jahveh adorait sur les terrasses des maisons et dans les parvis mêmes du temple de Jérusalem, comme on les adorait sur les bords de l’Euphrate et du Tigre. Parmi les divinités qui, dans le système religieux chaldéo-assyrien, sont placées au-dessous de Bel, on a retrouvé le dieu du sort, Manu, associé à la déesse de la fortune) Gad, dont parle Isaïe ; Bau, qui est évidemment le chaos de la Genèse ; Usu, l’Esaü de l’époque mythologique de la Bible ; Kimmut, le dieu de la constellation du Serpent, ou plutôt des Pléiades, du livre de Job, etc. Nous n’avons rien dit des fleuves sacrés qui, comme l’Adonis de Gébeil et le Bélus de Saint-Jean-d’Acre, portaient le nom d’une divinité. Se plonger sept fois dans les eaux du Jourdain guérissait de

  1. I Reg., XVIII, 28.
  2. XXIII, 16.