Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 97.djvu/616

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

temple protestant et la Restauration du portique d’Octavie, — le succès qu’ils obtinrent auprès du plus grand nombre permit de présager que la partie, encore incertaine en apparence, allait bientôt être gagnée, ou que tout au moins la lutte engagée, dans le champ de l’architecture comme ailleurs, entre l’esprit d’innovation et l’esprit de conservation à outrance, ne se terminerait pas sans de sérieux dommages pour ceux-là mêmes qui se croyaient naguère en possession assurée du terrain.

On se tromperait fort pourtant, si l’on ne voyait dans l’entreprise tentée il y a près d’un demi-siècle par quelques architectes dissidens que l’équivalent ou la conséquence des efforts poursuivis à côté d’eux par d’autres artistes, qu’un mouvement analogue à la révolution commencée dans le domaine pittoresque ou littéraire. Les peintres et les poètes appartenant à ce qu’on appelait alors l’école romantique entendaient avant tout faire justice des froids imitateurs de l’antiquité ; mais, en s’attaquant aux copistes, ils ne laissaient pas, par surcroît, de sacrifier assez volontiers le modèle, et demandaient des enseignemens à l’art du moyen âge ou à la nature contemporaine beaucoup plus habituellement qu’aux chefs-d’œuvre que nous ont légués les siècles de Périclès ou d’Auguste. De la Grèce et de Rome, ils n’acceptaient guère que les exemples tout modernes, et les martyrs de l’indépendance hellénique glorifiés, après Byron, par Delacroix et par Scheffer, les Transtévérins ou les brigands italiens peints par Schnetz et par Léopold Robert, montrent assez avec quel radicalisme l’école de peinture constituée un peu avant 1830 travaillait à renouveler les sources mêmes de l’inspiration aussi bien que les procédés en usage.

Duban et ses amis au contraire n’avaient garde, pour réagir contre le mal présent, de confondre dans le même dédain les exemples antiques et les contrefaçons qu’on en avait pu faire. Au lieu de rejeter le texte par dépit contre les plats traducteurs, ils s’efforçaient d’en pénétrer le sens avec une attention d’autant plus ardente qu’ils sentaient mieux qu’en le rétablissant ils arriveraient du même coup à définir pour eux et pour autrui les lois qui régissent l’art de tous les temps, à retrouver les secrets de cette science sereine qui, loin d’immobiliser la pensée, lui donne des ailes, loin d’engourdir la force d’invention, la stimule à la fois et l’assure. Assez d’autres n’avaient cherché ou ne cherchaient dans l’étude de l’antiquité que le droit d’en parodier à tout propos les formes, et, grâce à ce certificat d’origine, sous cette marque de fabrique en quelque sorte, les œuvres qu’ils produisaient leur semblaient trop bien recommandées pour qu’on osât s’apercevoir de ce qu’elles pouvaient laisser à désirer du côté de la convenance morale ou matérielle. A quoi bon, pensaient-ils, se mettre en frais d’imagination