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passait dans le domaine de l’architecture. Aux yeux des sectateurs de la vieille doctrine, peu s’en fallait que les novateurs et leurs adhérens ne personnifiassent tout uniment la fraude. Quiconque admettait une autre antiquité que l’antiquité officielle, d’autres modes d’interprétation que les procédés reconnus, courait le risque d’être au moins suspect de mauvaise foi. La moindre découverte tendant à démontrer chez les anciens l’emploi de certains moyens décoratifs, l’usage de la polychromie par exemple, équivalait auprès des théoriciens de « la ligne pure » à une illusion coupable ou à un mensonge ; le moindre essai de restauration en dehors des conventions ordinaires et des formules prescrites prenait l’apparence et subissait le sort d’une hérésie archéologique.

Qu’advint-il, à plus forte raison, de ces nouveautés lorsqu’elles se produisirent, non plus à l’état de simples projets ou d’études, mais sous la forme bien autrement inquiétante de monumens élevés avec le consentement et aux frais de l’état ? Pendant bien des années, ceux qu’on s’obstinait à nommer les « jeunes chefs » de l’école moderne, et qui pourtant avaient eu le temps de vieillir, durent se résigner à un ostracisme d’autant plus regrettable que leurs travaux étaient devenus plus nombreux et leurs droits moins contestables. L’Académie des Beaux-Arts elle-même, quoique en grande partie renouvelée, tarda le plus qu’elle put à leur ouvrir ses portes. Duban, il est vrai, y entra le premier, en 1854, comme trente ans auparavant il avait précédé ses amis à la villa Médicis ; à l’Institut toutefois, ceux-ci ne le suivirent pas d’aussi près. Il fallut, pour qu’ils y fussent admis à leur tour, que M. Duc eût à peu près achevé sa belle reconstruction du Palais de Justice, M. Labrouste la bibliothèque de la rue de Richelieu, et que M. Vaudoyer eût, en édifiant la cathédrale de Marseille, réalisé, de manière à convaincre les plus incrédules, les anciennes promesses de son talent. — Revenons au temps où, loin d’occuper de l’aveu de tous la situation d’un maître, Duban attend encore l’occasion de faire publiquement ses preuves, ou du moins de les faire pour la première fois sur le terrain, dans un chantier de construction.

Ce fut en 1833 seulement que cette occasion se présenta. Encore fallut-il pour cela l’intervention active d’un peintre que sa renommée personnelle avait rapproché du ministre auquel l’administration des beaux-arts ressortissait alors, et qui, sans liaison antérieure avec Duban, sans le connaître même autrement que par ce qu’il avait vu de son talent, prit en main sa cause avec tout le zèle qu’aurait pu apporter le plus ancien ou le plus dévoué de ses amis. Appuyé par quelques-uns des hommes dont la parole en pareille matière méritait le mieux d’être écoutée, et particulièrement par M. Vitet, Paul Delaroche obtint que, pour laisser à de nouveaux