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l’énergie ou la délicatesse des tons. N’est-il pas même de tous les architectes contemporains celui qui a le mieux compris et pratiqué cet art difficile d’associer la peinture à l’architecture sans usurpation de part ni d’autre, sans que le bon sens ou le bon goût ait à souffrir du rapprochement ? S’il fallait rappeler des exemples, la grande salle centrale du château de Dampierre, les voussures de la salle des Sept-Cheminées au Louvre, plusieurs parties de l’École des Beaux-Arts et du château de Blois, témoigneraient assez de sa rare habileté sur ce point, sans parler d’autres preuves non moins concluantes qu’on rencontrerait dans les galeries ou dans les salons de plusieurs hôtels à Paris. « Duban, a dit un fidèle témoin de sa vie[1], Duban aimait particulièrement les fleurs ; il se plaisait à les contempler et même à les reproduire,… cherchant ainsi à surprendre dans le contraste de leurs nuances variées le secret de cette riche et parfaite harmonie qu’il excellait ensuite à réaliser dans ces décorations dont la peinture faisait tous les frais. » Sans doute aussi cette prédilection de l’artiste pour les fleurs et les études qu’elles lui suggéraient pourraient, jusqu’à un certain point, expliquer l’extrême fraîcheur des teintes, la limpidité de l’effet dans les œuvres de sa propre main, dans les charmans dessins entre autres intitulés à Pouzzoles, Salvos redire, Une rue à Pompai, Un triclinium ; mais en général l’instinct de la couleur est subordonné chez Duban au sentiment réfléchi, au respect sévère de la forme ; il résulte des calculs de l’intelligence bien plutôt que des inspirations de la fantaisie. En un mot, le coloris tel que Duban le conçoit et l’emploie a sa raison d’être, non pas dans le simple amusement qu’il peut procurer au regard, abstraction faite du champ qu’il décore, mais dans le secours qu’il lui appartient logiquement de prêter à l’ordonnance linéaire ou aux procédés de construction. Ceci exige quelques éclaircissemens.

On sait le zèle avec lequel les artistes et les érudits ont, depuis un demi-siècle bientôt, cherché à remettre en honneur dans leurs travaux sur l’architecture antique les traditions de la polychromie. Les premières découvertes faites, les premiers efforts tentés à ce sujet par l’école mal à propos qualifiée de romantique furent, il est vrai, assez mal accueillis, et parurent aux experts de l’époque l’équivalent d’un attentat ou tout au moins d’un sophisme. Peu à peu cependant les idées émises firent leur chemin ; les preuves, en se multipliant, rendirent les attaques plus vives et la résistance plus difficile. La publication de quelques grands ouvrages aidant, on s’habitua à cette pensée qu’après tout, en Italie comme en Grèce, les

  1. M. Vaudoyer, Discours prononcé aux funérailles de Duban.