Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 97.djvu/664

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LA
REFORME ELECTORALE
ET L'ABSTENTION

Des élections fréquentes sont inévitables à la suite d’une révolution : il faut renouveler dans tout le pays les pouvoirs qui procèdent du suffrage populaire, il faut aussi tenir compte des fluctuations de l’opinion publique, plus mobile et plus exigeante que dans les temps calmes. Tandis que les impatiens ne cessent pas de réclamer des élections nouvelles, la masse des électeurs semble s’y refuser ou s’y prêter de mauvaise grâce : de là des abstentions de plus en plus nombreuses. Cette sorte de lassitude n’avait pas tardé à se manifester en 1848, lors des premiers essais du suffrage universel ; elle s’est montrée encore en 1871, et les élections qui viennent d’avoir lieu dans les premiers jours de 1872 ont permis de constater l’intensité croissante du mal. Il semble, sur certains points, qu’il y ait une renonciation systématique à l’exercice d’un droit importun. L’abstention est prêchée par des hommes en possession d’une légitime influence, par des organes importans de l’opinion publique. Les uns en font une protestation contre le suffrage universel, ou du moins contre la manière dont il fonctionne ; les autres, par une étrange aberration, y cherchent un moyen d’user plus vite les partis extrêmes, en leur laissant le champ libre ; beaucoup s’en font un devoir entre des candidats qu’ils frappent d’une égale indignité et auxquels ils renoncent à en opposer de plus dignes. Les politiques sensés s’alarment à juste titre de cette désertion du devoir électoral, qui se produit surtout dans la majorité honnête, modérée, intéressée à l’ordre, et qui ne profite qu’aux minorités turbulentes ou factieuses. Divers remèdes ont été proposés ; ils ont fait l’objet de vœux soumis aux conseils-généraux, de pétitions