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Une autre république s’est constituée par le vote et sous la direction suprême des représentans librement élus de la nation tout entière. A la tête a été placé le seul homme d’état dont la clairvoyance et les avertissemens patriotiques n’aient jamais manqué au pays en face d’une prospérité factice et des malheurs de tout genre qui en ont été la cruelle expiation. La nouvelle république a trouvé pour la gouverner un ministère qui rappelle les meilleurs jours de la monarchie constitutionnelle, et, ce que n’eût pu réaliser aucun autre gouvernement, elle a obtenu des membres de ce ministère l’ajournement ou l’oubli des plus profondes dissidences. Elle a rassuré les bons citoyens, on n’en saurait douter ; mais elle n’a pas désarmé les oppositions d’intérêt ou de principes, et dans la masse flottante, qui ne se décide pas de parti-pris, elle a laissé subsister bien des causes d’inquiétude et d’alarmes. Comment en serait-il autrement ? Cette république ne s’affirme qu’à titre provisoire : les uns l’acceptent comme un essai, les autres n’en veulent que comme une pierre d’attente. Elle n’a opéré, entre les partis mêmes dont elle s’est concilié le concours ou la neutralité, qu’une trêve qui n’a pas mis fin à leurs querelles, et qui laisse place à leurs revendications respectives. Dans l’assemblée qui l’a instituée, la majorité montre pour elle des dispositions peu favorables ; la plupart de ses ministres sont libres à son égard de tout engagement. Son président lui-même ne s’est lié envers elle que par des déclarations officieuses et en quelque sorte toutes privées. Enfin cette étrange république n’est, pour ainsi dire, qu’une monarchie précaire dont les destinées semblent attachées à une seule bonne volonté, et cette bonne volonté a ses défaillances, — à une seule vie, et cette vie est chargée de jours. Dans de telles conditions, elle peut trouver une masse plus ou moins considérable qui s’y rallie, elle ne saurait avoir un parti à elle.

Entre les partis qui se disputent son héritage, deux seulement ont le droit de décliner la responsabilité de nos récentes infortunes : ce sont le parti légitimiste ou clérical et le parti orléaniste. Le premier a pu croire un instant que la France était avec lui ; il a bientôt été détrompé. On l’avait suivi lorsqu’il avait pris l’initiative d’une réaction nécessaire contre la folie de la guerre à outrance, après s’être honoré par son dévoûment et par son courage tant que la guerre avait été possible ; on s’est détourné de lui quand il a montré sa véritable bannière. L’orléanisme ne soulève pas les mêmes passions. La génération présente a peine à comprendre, après tout ce que la France a supporté patiemment depuis 1848, les causes qui ont fait tomber du trône le roi Louis-Philippe. Les fils et les petits-fils du roi constitutionnel de 1830 voient se tourner vers eux les dernières espérances non-seulement de ceux