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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 97.djvu/683

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résolution. Il ne s’agit pas ici d’une obstination inflexible dans des principes absolus ; la suite et la décision dans la volonté n’excluent pas les concessions, les compromis même ; elles exigent seulement qu’on sache mesurer d’avance d’un clair regard l’étendue des engagemens que l’on croit pouvoir prendre. Il faut se tracer un cercle et s’y maintenir résolument, acceptant tous les concours utiles, répudiant toutes les alliances compromettantes et n’autorisant aucune équivoque sur ses intentions et sur ses actes. Il est, par exemple, parmi les représentans du pays et dans le pays lui-même beaucoup d’excellens esprits qui croient que la France ne peut désormais supporter avec quelques chances de durée qu’une république aussi voisine que possible d’une monarchie constitutionnelle, ou bien une monarchie aussi voisine que possible d’une république parlementaire, et qu’il n’y a que des nuances entre les deux formes de gouvernement ainsi définies : de tels esprits manqueraient entièrement de sens politique, s’ils ne savaient pas agir de concert, s’ils laissaient croire qu’ils sont du même parti, les uns que les républicains radicaux, les autres que les purs monarchistes. Une action commune ouvertement poursuivie par tous ceux qui peuvent honorablement s’entendre, soit pour un résultat immédiat, soit pour un but plus ou moins éloigné, sans rien se dissimuler de leurs desseins ou de leurs espérances, telle est donc la vraie politique, à la fois honnête et habile, pour tous les partis sérieux dans l’assemblée et dans le pays. Cette politique sera efficace, elle fera tomber les hésitations et les défiances, si chacun, ami ou ennemi, est en quelque sorte dans la confidence des premiers magistrats et des représentans de la nation, sait où ils prétendent le conduire, ce qu’ils lui promettent ou ce dont ils le menacent. C’est par là, à force de franchise, que les pouvoirs publics pourront influer utilement sur les élections sans se compromettre par une intervention directe. C’est par les mêmes moyens que peut se faire accepter l’action plus immédiate des influences privées. Les électeurs flottans, indécis, effrayés, se sentiront rassurés quand ils verront devant eux des hommes de résolution et d’action, qui ne seront pas en même temps des hommes de désordre ; ils seront moins tentés de s’abstenir quand leurs suffrages seront à la fois éclairés et sollicités par des déclarations nettes et explicites auxquelles répondra une conduite politique sans inconséquence et sans faiblesse.


EMILE BEAUSSIRE.