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lisme. M. Rouher se trompe. Par son talent d’orateur, par ses connaissances sur certaines questions, il est certainement toujours à sa place dans une assemblée. En se présentant comme candidat de l’empire, il montre peu de mémoire. Il parle encore comme s’il était ministre d’état, comme s’il s’adressait à un corps législatif empressé à l’applaudir. Nous n’en sommes plus là. Deux années terribles qu’il oublie ont passé sur nos têtes, et la circulaire que l’ancien ministre d’état adresse aux habitans de la Corse semble ignorer les désastres accumulés sur notre pays par le gouvernement dont il se fait l’avocat. On a beau parler de prospérité et de gloire, c’est un langage qui ne trompe plus personne : les ruines sont là, les Prussiens sont à Reims, et ils y étaient avant que l’empire fût tombé ! M. Rouher se fait une étrange idée de sa dignité et de notre situation quand il se dit « le candidat du malheur. » C’est un singulier langage dans un tel moment. Le malheur pour M. Rouher est en Angleterre, à Chislehurst. Il y a un autre malheur qui est un peu plus digne d’être représenté et défendu, parce qu’il est plus immérité : c’est le malheur de la France. Devant ce malheur, le mieux serait de se taire ou de parler plus modestement, de ne pas rappeler par quel déplorable chemin la France a été conduite à cet abîme. Si c’est là l’histoire qu’on veut recommencer, c’est assez d’une fois. — Que peut de son côté le radicalisme, cet émule du bonapartisme, qui a le droit de revendiquer la responsabilité d’une bonne partie des désastres que l’empire a inaugurés ? Lui aussi, il attend une occasion ; il n’est pas plus découragé par la défaite que le bonapartisme, et en attendant ce qu’il y a de plus frappant en lui, c’est son incapacité. Il est bruyant, agitateur et stérile. M. Louis Blanc, dans une lettre qu’il écrivait récemment à un de ses amis, s’étonnait que le radicalisme eût un rôle effacé, que son action ne répondît pas à son ardeur, et il se demandait ce que pouvait en penser le public. Le public pense naturellement que le radicalisme donne la mesure de son aptitude politique en s’abstenant toutes les fois qu’il y a une affaire sérieuse qui intéresse le pays, et en reparaissant dès qu’il y a un tumulte, une question irritante ou inutile. De quoi s’occupent les radicaux ? Ils font des propositions sur la levée de l’état de siège, sur l’amnistie, sur la dissolution de l’assemblée ! En revanche, dans toutes les questions vitales qui se sont agitées depuis quelque temps, ils sont restés prudemment silencieux, ils ont laissé les modérés s’occuper des affaires publiques. Le radicalisme joue son rôle. Il se tient en observation, mettant quelquefois son habileté à irriter les conflits, s’il peut, sauf, si l’occasion lui échappe, à donner l’exemple de la retraite, en étant le premier à faire bon marché de la dignité et des droits de l’assemblée. Au fond, radicalisme et bonapartisme ont tout juste les chances éphémères que l’indécision, les incohérences et les divisions des partis modérés pourront leur donner, et ils ne triomphe-