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ENQUÊTES INDUSTRIELLES

LE FAMILISTERE DE GUISE

Solutions sociales, par M. Godin, fondateur du familistère de Guise, député à l’assemblée nationale, 1 vol. in-8o.

Parmi les socialistes de la première heure, il n’en est point, les contemporains s’en souviennent, qui aient mis plus d’imagination que Charles Fourier au service de ses fantaisies. Il est resté de lui quelques formules qui ont eu un jour de vogue, l’association intégrale par exemple, une cosmogonie à dérider les fronts les plus mélancoliques et une école bien sérieuse pour un homme si gai. Sa vie n’avait été qu’une lutte contre le besoin ; son école a marché de commandite en commandite pour n’aboutir qu’à des échecs : le dernier a été une émigration aux États-Unis, dans la colonie de Nauvoo, qu’abandonnaient alors les mormons. Triste fin après beaucoup de bruit et bien des sommes dépensées ! Le seul incident qui se rattache à cette école est l’offre qu’elle fit à l’assemblée constituante de 1848 d’entreprendre son éducation et sa conversion en cinq séances de nuit. En réalité, voici plus de quinze ans que tout cela s’est éteint. Il y avait eu des fermes agricoles, fondées, des phalanstères entrepris un peu partout ; phalanstères et fermes ont passé par les épreuves d’une liquidation amiable ou judiciaire. Bref, la fantasmagorie de Charles Fourier, où toute culture devait être attrayante, toute passion régularisée, est allée rejoindre dans l’oubli la masse des conceptions odieuses ou bouffonnes dont notre siècle a été saturé.

Croirait-on pourtant que cet embryon du socialisme, mort en Amérique, ait survécu en France par exception et par une sorte de grâce d’état ? Passe chez quelques hommes, quelques demeurons d’un autre âge, fidèles jusqu’au bout aux impressions de leur