de faire entrer dans la société chrétienne. Un vocabulaire persan-latin-kouman, qui existe à la Marciana de Venise, prouve que les Koumans parlaient un dialecte turc ; mais on est porté à croire que chez eux le sang turc était mélangé de sang ougrien. La chronique de Nestor n’est guère que l’histoire de leurs entreprises contre les grands-princes. Il ne parle qu’avec horreur des mœurs koumanes. Quelle que fût la saison, ces nomades n’avaient d’autre abri que leurs tentes, où ils ne rêvaient que meurtre et carnage. Au lait de leurs jumens, cette boisson favorite des nomades finno-mongols, ils ajoutaient la viande crue, le sang et la chair des bêtes mortes, ou de celles que les Russes nommaient impures, comme la civette, le hamster ; ils épousaient leurs belles-mères et leurs belles-filles. Aussi le ciel lui-même témoignait-il son courroux par des prodiges quand ils menaçaient les chrétiens. Sous le règne de Vsévolod Iaroslavitch, il y eut des signes dans le soleil ; cet astre et la lune s’obscurcirent, on entendit des bruits effrayans dans l’intérieur de la terre, un énorme dragon tomba du ciel, le sol desséché devint si brûlant que beaucoup de forêts et de marais prirent feu. A Polotsk, jour et nuit, des esprits de ténèbres parcouraient la ville, blessant ou tuant les habitans. Comme les Huns, les Koumans semblaient d’intelligence avec l’enfer. En effet si, au dire de Nestor, les Bulgares étaient nés de l’inceste de Loth avec ses filles, les Polovtzi descendent d’Ismaël, ancêtre de tant de races impies, dont quatre fils ont donné naissance aux « Polovtzi, aux Petchenègues, aux Torkes et aux Torkméniens. » Lorsque Jean du Plan de Carpin arriva en Russie, les Koumans venaient d’être emportés par un torrent auquel rien n’avait résisté ; mais avant le jour marqué pour leur ruine, ils avaient soutenu contre les grands-princes des luttes si terribles, que les Russes, ne comptant plus seulement sur la force pour les réduire, travaillaient à se les incorporer, en les prenant pour auxiliaires, en s’alliant avec eux par des mariages, en leur accordant les mêmes droits qu’aux chrétiens, en s’efforçant en un mot de les absorber, comme les Petchenègues, dans la masse des Slaves. Il va sans dire qu’on cherchait surtout à les convertir. Un fait cité par Rubruk prouve que le baptême n’avait pas une grande influence sur leurs idées. Le moine parle de l’habitude qu’ont les Koumans d’élever un tertre avec une statue sur les tombeaux, et des édifices, — pyramides, maisons, tours, — sur la sépulture des grands, la tombe étant aux yeux des peuples primitifs une seconde demeure qu’il convient d’embellir et de pourvoir des objets nécessaires. Il ajoute qu’il a vu une sépulture où les Koumans avaient suspendu seize peaux de cheval sur de grandes perches, sans oublier de laisser de la chair pour manger, et du cosmos
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