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longtemps après, l’égrillard La Monnoye traduisit plaisamment ainsi :

Cy-dessous gît couché tout plat
Le puissant chancelier Duprat.

Amplissimus, c’est bien le mot qui convient dans les deux sens à ce gros homme, pour lequel on ne peut se défendre en effet d’une certaine considération. La tenace volonté auvergnate se laisse lire sur cette large face; on sent que ce visage lourd cache une âme pesante, mais forte, lente à se mouvoir, mais difficile à ébranler, une âme tyrannique par sa masse, et dont il devait être presque impossible d’avoir raison.

Dans la chapelle, où ont été déposés ces débris du tombeau de Duprat, se dresse intact un monument d’un goût bien moins pur, qui est autrement intéressant pour nous, gens du XIXe siècle, car il consacre des souvenirs qui nous font remonter à l’origine première de notre histoire contemporaine; je veux parler du tombeau du dauphin fils de Louis XV et père des derniers princes de la branche aînée des Bourbons qui ont régné en France. Je me suis arrêté longtemps devant cette œuvre de Coustou le jeune; cependant ce n’était pas par admiration pour la gentillesse compliquée de ses génies allégoriques et la mièvrerie élégiaque de ses grandes figures; c’est que ce monument avait réveillé dans mon souvenir deux passages des mémoires du dernier siècle qui ont été jusqu’à présent peu remarqués, et qui mènent à d’assez singulières réflexions. C’est à cette date de la mort du dauphin, 1765, que Mme Campan fait remonter l’origine de cette division du parti monarchique qui a joué un si grand rôle dans les destinées ultérieures de la nation. Selon elle, il s’était formé dans le sein de la noblesse française un parti qui visait à la transformation de la monarchie, et dont la naissance doit être placée dans les dernières années de Louis XIV. La régence aurait été la première expression de ce parti, et le duc d’Orléans en aurait été le chef reconnu. A la mort du régent, ce parti, encore fort novice, resta sans chef; dès lors il subit une longue éclipse que Mme Campan attribue à l’indifférence politique et à la dévotion des deux ducs d’Orléans qui succédèrent au régent. Elle aurait pu ajouter que ce parti s’éclipsa pour une autre cause encore : c’est qu’il porta la peine de cette réaction qui suit inévitablement toute action, et que le désordre moral de la régence engendra cette recrudescence de ferveur monarchique si visible pendant la première partie du long ministère du cardinal Fleury, et qui durait encore lors de la maladie de Louis XV à Metz, en dépit du scandale affiché de Mme de Châteauroux. Tant que vécut le dauphin, ce parti n’es-