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savoir en effet ce que représente dans cette fortune la part des 15,000 cotes au-dessus de 1,000 fr. ? Elle donnait au trésor en 1858 23 millions 1/2 sur 278 que rapportait la taxe foncière tout entière, y compris les centimes additionnels : c’était le onzième. Ainsi en contribuant pour 1 milliard, les possesseurs de ces cotes donneraient quatre fois plus que leur contingent proportionnel, et cependant la charge des autres serait encore bien lourde.

La question doit être considérée à un autre point de vue ; comme il s’agit ici d’une souscription volontaire, on n’a pas seulement à examiner ce que chacun pourra, mais ce qu’il voudra donner. Or, si beaucoup de personnes sont disposées à contribuer dans la proportion de leur fortune et même au-delà, combien d’autres, et en bien plus grand nombre, donneront peu ou point ! A-t-on pensé à ce qu’on obtiendrait des gens de la campagne, qui sont en général très parcimonieux et peu disposés à prendre part à des souscriptions publiques, d’abord parce qu’ils ne se rendent pas bien compte de l’emploi qu’on fera de leur argent, ensuite parce que, cet argent leur coûtant beaucoup à gagner, ils ne le donnent pas aisément ? Et cependant c’est là le gros bataillon, sans lequel rien n’est possible. Quand on ne l’a pas pour contribuable, on a beau établir des cotisations très lourdes, on n’arrive à rien de sérieux.

On comprend une souscription volontaire lorsque la somme est restreinte, mais recourir à ce moyen pour obtenir 3 milliards est absolument chimérique, les meilleures intentions échoueront contre des impossibilités pratiques. Dira-t-on qu’il n’est pas nécessaire de réaliser la totalité de l’indemnité de guerre, et qu’il suffira de. réunir 1 milliard ou même 500 millions pour produire un grand effet moral et alléger d’autant les charges du trésor ? L’effet moral serait incontestable : notre pays, au lendemain de ses désastres, donnerait un beau spectacle en s’imposant volontairement pour des sommes aussi fortes ; mais ce résultat serait-il aussi utile qu’on le croit ? Il ne faut pas oublier que 1 milliard n’est pas après tout le quart de ce que nous avons à payer, tant aux Prussiens qu’à la Banque de France, que 500 millions en forment à peine la huitième partie, et qu’il faudra toujours se procurer le reste de la somme par des impôts ou des emprunts ; la charge totale sera fort peu diminuée, et la bourse de ceux qui auront fourni par patriotisme les plus grosses souscriptions se trouvera épuisée quand on aura besoin d’y recourir pour d’autres combinaisons. Et puis quelle inégalité dans les sacrifices que chacun s’imposera, les uns donnant au-delà de leurs moyens, les autres souscrivant pour une portion dérisoire de leur fortune ! Cette inégalité est sans importance lorsqu’il s’agit d’une souscription ordinaire, entreprise pour un but qui n’intéresse