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de succès ; le pays découvrait bien vite que sous l’appât du jeu on sollicite de lui un assez grand sacrifice. La prime de 100 fr. affectée à chaque obligation remboursable en soixante ans ne représente en moyenne qu’un intérêt de 2 pour 100 par an. Si d’autre part on répartit les 6 millions de lots sur les à milliards à emprunter, c’est un mince avantage qui revient à un septième pour 100. La prime de remboursement ajoutée aux lots ne constitue donc qu’un placement à 2 pour 100 environ. Est-ce suffisant pour attirer les capitaux ? On peut en douter lorsqu’on voit les obligations de la ville de Paris et celles du Crédit foncier, qui offrent également une prime de remboursement et des chances de lots d’autant plus sérieuses qu’on approche du terme de l’amortissement complet, rapporter encore un intérêt de à pour 100. On a cru devoir, il est vrai, modifier un peu ce plan en allouant aux obligations un intérêt de 2 pour 100. Outre que cette modification diminue l’avantage de la mesure pour le trésor, elle n’est pas encore de nature à tenter les capitalistes. Enfin l’emprunt de M. de Soubeyran, et cela lui enlève décidément toute chance de succès, ne serait pas négociable au dehors, sur les grands marchés de l’Europe. Il ne faut pas oublier que les loteries sont interdites en Angleterre et en Allemagne ; un emprunt de 4 milliards qui exclut les capitaux étrangers et qui ne pourra pas se coter officiellement à Londres, à Francfort et à Hambourg, est condamné d’avance. On ne peut pas arrêter son esprit sur cette combinaison ; elle est aussi irréalisable qu’immorale.


II.

Les projets qui ne craignent pas d’invoquer la contrainte pour la réalisation des 3 ou 4 milliards sont évidemment plus sérieux. Ceux-là du moins ne livrent rien au hasard, ils ne se heurtent pas contre l’égoïsme des individus. Ils cherchent l’argent où il est, et, quand ils croient l’avoir trouvé, ils le prennent de force. Toute la question est de savoir si, même avec la contrainte, sous une forme ou sous une autre, emprunt forcé ou emprunt sur le capital, on peut arriver au résultat désiré. Parlons d’abord de l’emprunt forcé.

Ceux qui le défendent se préoccupent tout naturellement de diminuer pour l’avenir les charges du trésor ; ils voient que la rente 5 pour 100 est aujourd’hui à 90 francs, et que, si l’état empruntait librement au cours du jour, il lui faudrait payer, pour de grosses sommes surtout, de 5 1/2 à 6 pour 100 ; ils songent donc à lui procurer une bonification sur ce taux d’intérêt. On offrirait par exemple de la rente au pair, le trésor gagnerait 1 pour 100, et les souscripteurs feraient ce léger sacrifice à la cause de la libération du territoire ; mais, comme il y aura sacrifice, on ne pourra se contenter