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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 98.djvu/155

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praticable. Chacun paiera, dit-on, en raison de sa contribution directe. On pense par là proportionner les souscriptions à la fortune ; on n’a pas remarqué que cette base est extrêmement trompeuse. Tel individu inscrit au rôle pour un chiffre assez élevé peut n’avoir aucune fortune réelle, tel autre dont la richesse est considérable ne paiera que fort peu de contributions directes. Ce dernier cas sera celui des personnes possédant des rentes ou des valeurs mobilières qui habitent une ville de province avec un loyer médiocre ; elles seront appelées à souscrire pour beaucoup moins que tel propriétaire grevé d’hypothèques et de dettes de toute nature. Au point de vue d’une juste répartition des charges, il y a donc beaucoup à objecter à ce système. Sans doute la même inégalité se retrouve dans la répartition des impôts, on les paie abstraction faite des dettes ; mais, parce qu’il y a une injustice quelque part, ce n’est pas une raison pour l’étendre encore et aggraver la situation de ceux qui en souffrent. Comment feront les gens obérés pour réaliser leur quote-part ? Ils devront s’adresser à des banquiers et à des intermédiaires qui leur feront des avances. Ce service ne sera pas gratuit, les banquiers prélèveront des intérêts ou des commissions plus ou moins élevés, suivant les garanties qu’on leur donnera, suivant aussi l’abondance des capitaux disponibles ; comme on peut supposer que dans beaucoup de cas les garanties ne seront pas très sûres et que les capitaux seront certainement très rares, ce service coûtera fort cher aux contribuables forcés d’y recourir. Si l’on voulait emprunter 3 milliards 1/2 de cette façon, la moitié au moins devrait être avancée par des intermédiaires. Il suffit de poser un tel chiffre pour montrer quelles difficultés on rencontrerait et quelles pourraient en être les conséquences. Les personnes qui auraient reçu de la rente dans ces conditions seraient obligées de la vendre au plus vite pour se dégager des avances qui leur auraient été faites ; les réalisations auraient lieu sur une échelle immense, et à quel taux ? on peut le prévoir. L’opération serait à la fois désastreuse pour ceux qui auraient à la subir et funeste au crédit public, de sorte que le moyen imaginé pour relever les cours, car on a de plus ce résultat en vue en donnant de la rente au-dessous du taux actuel, aurait pour effet immédiat de les écraser ; cela ne peut être l’objet d’aucun doute. Enfin, si les banquiers devaient encore venir en aide à l’état pour escompter les versemens avant l’échéance, celui-ci perdrait en commissions allouées aux intermédiaires tout le bénéfice de la mesure. On ne voit donc pas l’utilité d’un pareil expédient.

Dans un ordre d’idées à peu près semblable, mais avec un caractère plus radical, se présente l’impôt forcé sur le capital. Ce projet a été mis en avant et soutenu avec vigueur et insistance par