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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 98.djvu/161

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dira-t-on, pour les Américains ; mais il ne réussirait pas en France, surtout pour une somme aussi grosse. C’est avec de telles fins de non-recevoir que nous restons dans la routine, et qu’en finance comme en organisation militaire et en instruction publique nous sommes un des pays les plus arriérés de l’Europe. Et pourquoi ce procédé ne réussirait-il pas chez nous ? Est-ce qu’on n’y connaît pas les obligations remboursables à terme ? Est-ce que la ville de Paris n’emprunte pas sans cesse sous cette forme ? Une grande compagnie financière, celle des chemins de fer lombards, il y a quelques années, a placé dans notre pays avec la plus grande facilité des bons pour des sommes assez importantes. Les engagemens du trésor, ceux de certains établissemens de crédit, sont également à court terme ; enfin les créances hypothécaires, qui constituent une grosse part de la fortune mobilière de la France, sont des placemens temporaires. Le pays prend de la rente perpétuelle lorsqu’on lui en offre ; il prendrait tout aussi bien et mieux des obligations remboursables à court terme, surtout s’il y avait une légère prime attachée au remboursement du capital. Il est même probable que la séduction de cette prime l’engagerait à faire à l’état des conditions plus favorables. Tout se trouve donc réuni pour recommander le mode d’emprunt à l’américaine : avantage pour le trésor, qui n’est pas lié indéfiniment, et peut profiter de toutes les améliorations de son crédit, goût du public pour le placement temporaire, enfin économie probable dans la réalisation de l’emprunt. L’obstacle ne viendrait pas de l’étranger, car on y connaît parfaitement aussi le système des annuités ; dans l’état précaire où est aujourd’hui l’Europe, c’est celui que doivent préférer les capitalistes. Enfin nous n’aurions pas un trop grand effort à faire pour nous libérer d’un emprunt contracté dans ces conditions ; nous avons un amortissement tout trouvé : ce sont les 200 millions par an destinés à rembourser la Banque de France. On les affecterait à l’amortissement après l’extinction de la créance de la Banque, et en moins de quinze ans les 4 milliards seraient remboursés. Quelques personnes, il est vrai, voudraient qu’on supprimât dès à présent les 200 millions destinés à la Banque de France, et qu’on diminuât d’autant la charge des impôts ; le gouvernement a résisté à ce conseil, et il a bien fait. Rien dans les circonstances actuelles ne serait plus désastreux que de rester en présence d’une dette de 20 milliards sans aucun moyen d’amortissement. Si on se figure alléger ainsi la situation du pays, on se trompe étrangement ; le crédit serait plus cher, le travail souffrirait, et les contribuables perdraient beaucoup plus par le ralentissement des affaires que les 200 millions d’impôts dont on les aurait soulagés. En définitive, la nation est parfaitement en mesure de payer les 650 millions de taxes nouvelles qu’on lui demande et qui com-