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sible, qui éclate dans tous les incidens contemporains, c’est que justement on ne peut pas en finir. Les monarchistes viennent de le montrer. Ils ont voulu faire une grande tentative, ils ont voulu assurer au pays la garantie visible d’une force d’opinion organisée, prête à toutes les éventualités. On voit à quoi ils sont arrivés. Ils ne s’entendent même pas entièrement, ils restent divisés sur des points essentiels, et ils ont réuni moins de trois cents adhérens ! Est-ce avec trois cents voix, et même avec quatre cents voix, qu’on songe sérieusement à refaire la monarchie ? Que les républicains de leur côté essaient de trancher la question à leur profit par la proclamation définitive de la république, ils seront arrêtés au passage, ils le savent bien, ils l’ont éprouvé plus d’une fois ; ils l’éprouveront encore, s’ils tentent l’aventure.

Une seule chose est bien claire dans ces alternatives où chaque parti montre tour à tour son impuissance. Quand la république paraît compromise, les monarchistes s’empressent de commettre des fautes qui relèvent un peu son crédit ; quand la monarchie semble reculer, ce sont les républicains qui refont ses affaires par leurs imprudences, de sorte que de tous les côtés on est très fort pour neutraliser ses adversaires, on n’a pas cette puissance d’en finir à laquelle tout le monde fait appel. Si nous ne vivions pas dans des temps si sérieux, on pourrait dire que tous ces partis qui se remuent ressemblent quelque peu à ces choristes de théâtre qui crient de leur voix la plus sonore : Marchons en silence ! Ils ne marchent pas, et ils font beaucoup de bruit. Voilà la vérité. On s’agite et on agite le pays pour rien, on surexcite des espérances qu’on ne peut satisfaire, et cette sorte de fièvre réagit nécessairement sur les travaux de l’assemblée, sur la marche du gouvernement. C’est là ce que nous appelons se jeter à la poursuite de l’impossible en se détournant des choses possibles, nécessaires, essentielles. Pendant qu’on s’anime à ces luttes inutiles, les intérêts souffrent, les esprits s’aigrissent, nos affaires ne se font pas, et si nous oublions ce qui nous touche de plus près, les Allemands se chargent de nous le rappeler. Un des plus importans journaux de Berlin nous criait tout récemment encore que le plus pressé pour nous n’était pas de songer à des changemens de gouvernement, mais de payer la dette de guerre, qu’une guerre n’était complètement terminée que lorsque le traité de paix était exécuté. « Les Français, nous disait-on, sont les débiteurs de l’Allemagne, ils doivent tenir les engagemens moyennant lesquels ils ont acheté la paix. Ils n’ont pas le droit de négliger, d’ajourner ni de reculer cette affaire, qui est la plus urgente de toutes. »

C’est cruel, mais c’est ainsi. Pourquoi attendre qu’on nous le rappelle et ne pas nous en souvenir de nous-mêmes ? Au fait, quelle est la vraie question pour nous ? Il s’agit d’abord sans doute de cette libération du territoire qui doit être toujours notre première pensée, et il s’agit aussi dans notre vie intérieure de préserver la France des entreprises du ra-