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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 98.djvu/230

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l’inspection des écoles, il a sur les bras l’opposition d’une certaine fraction de la droite, des protestans orthodoxes, des conservateurs, ses anciens amis. Vainement il a essayé de les rassurer en parlant avec une onction édifiante de sa « vivante foi chrétienne ; » on le tient au camp orthodoxe et conservateur pour suspect de libéralisme, on ne se fie pas à ses déclarations de don Juan dans l’embarras, et c’est bien, à vrai dire, une des singularités de la situation. M. de Bismarck se trouve avoir aujourd’hui pour adversaires bon nombre de ses anciens amis, et il a pour alliés les libéraux, les progressistes, ceux qu’il a combattus si souvent ; à ceux-ci il fait des concessions, il reçoit de leurs mains des amendemens, et il triomphe avec leur concours.

Est-ce une alliance bien sincère et bien sûre de part et d’autre ? Il en sera ce qu’il pourra. Le prince-chancelier ne se livre pas ainsi. Pour le moment, il se sert des progressistes, même au besoin des révolutionnaires, contre l’ultramontanisme, comme il se sert de la passion allemande contre les Polonais et les particularistes de toute nuance. M. de Bismarck ne joue pas moins un jeu passablement dangereux, il s’expose à multiplier les froissemens, à mettre un jour ou l’autre tous les partis contre lui. Il triomphera encore cette fois, il aura sa loi des écoles, c’est très vraisemblable, il n’est pas homme à disparaître dans les broussailles parlementaires. S’il le faut, si on l’y contraint, il aura recours, selon son langage, « aux moyens constitutionnels » pour avoir raison des chambres, . et même, si ces moyens ne suffisaient pas, il en trouverait probablement d’autres. L’empereur Guillaume ne le contrarierait pas pour si peu. La question n’est pas là aujourd’hui, la question est que, pour la première fois depuis ses prodigieux succès, le chancelier rencontre une opposition assez vive, presque personnelle, que pour la première fois on résiste ouvertement à son ascendant. C’était évidemment une puérilité de supposer, comme on l’a fait, que la reine Augusta, mue par un sentiment religieux, aurait pu engager des députés à voter contre la loi qui menace l’autorité du clergé en matière d’enseignement. C’est déjà un fait assez grave qu’à cette occasion il se soit trouvé à Berlin des malintentionnés, — où n’y a-t-il pas des malintentionnés ? — commençant à murmurer que le chancelier pourrait n’être pas un homme indispensable. Ce qu’il y a eu d’assez curieux et d’assez inattendu dans ces dernières luttes du parlement de Berlin, c’est que M. de Bismarck, pour réveiller l’esprit national dans le clergé allemand, n’a trouvé rien de mieux que de citer l’exemple du clergé français, et il a révélé une particularité peu connue jusqu’ici. Il a dit que, pendant les négociations engagées pour mettre fin à la guerre, le souverain ponlife avait envoyé un nonce spécial en France pour presser les évêques de travailler en faveur de la paix, et que le clergé, restant français avant tout malgré sa soumission habituelle, s’était refusé à ce qu’on lui demandait. Si la chose est vraie, comme l’affirme M. de Bismarck, notre clergé n’a fait sans doute