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ans par Balouk-Sing, avait pour objet la réforme du sikhisme, qui était déjà lui-même une protestation contre la décadence de la religion hindoue. Ram-Sing, le successeur de Balouk-Sing, faisait une propagande active, et avait fini par grouper autour de lui un assez grand nombre de partisans (près de 100,000 à ce qu’on suppose). Il ne paraît pas que par elle-même leur doctrine renferme un élément dangereux quelconque. Le motif du soulèvement qui a eu lieu n’est pas encore bien connu ; les rebelles ne formaient du reste qu’une bande de 300 hommes. Ce qui est certain, c’est que M. Cowan, qui remplaçait le commissaire du district, après avoir étouffé la révolte, fit saisir une cinquantaine des prisonniers qui furent exécutés sur-le-champ; on dit qu’ils ont été attachés à la gueule des canons. Le commissaire Forsyth en fit encore fusiller 16 autres, ceux-là sur le verdict d’une cour martiale. Une feuille locale porte le nombre des exécutions à 120. Il faut dire que le gouverneur s’empressa d’ordonner une enquête, et qu’en attendant M. Cowan a été suspendu de ses fonctions ; mais certains journaux de Londres blâment cette « faiblesse, » et décernent à M. Cowan des couronnes civiques.

Le gouverneur accusé de faiblesse en cette occasion était le vice-roi lord Mayo, qui a été assassiné le 8 février pendant une visite qu’il faisait au pénitencier des îles Andaman. C’était un homme plein de bonnes intentions, qui ne brillait point par ses capacités. Sous son premier nom de lord Naas, il avait fait partie du cabinet Disraeli, comme secrétaire d’état pour l’Irlande ; pour se débarrasser de lui, on l’envoya dans l’Inde, quand la mort de son père l’eut fait comte Mayo. Sa nomination fut si mal accueillie par l’opinion publique, qu’à peine parti on voulut le rappeler ; mais il était déjà hors de la portée du télégraphe. Il débarqua donc dans son royaume par la fatalité du sort ; il faut dire qu’il réussit à s’y rendre populaire. On en a la preuve dans la consternation que la nouvelle de sa fin tragique a produite à Bombay et à Calcutta, Le meurtrier est un forçat natif de Caboul, qui jouissait d’une certaine liberté qu’il avait méritée par sa bonne conduite. Son crime paraît avoir été inspiré par le fanatisme religieux. Il s’est précipité sur le vice-roi au moment où ce dernier allait s’embarquer pour quitter l’île, et lui a porté deux coups de couteau au défaut de l’épaule ; lord Mayo a succombé pendant qu’on le transportait à bord de son vaisseau. Ses funérailles ont eu lieu à Calcutta le 17 février. Il a été provisoirement remplacé par M. John Strachey, en attendant que lord Napier pût prendre l’intérim comme étant le plus ancien gouverneur de province. Le successeur définitif du vice-roi sera lord Northbrook, sous-secrétaire d’état à la guerre. Quoique jeune encore, il possède une connaissance approfondie des affaires par une pratique administrative de vingt-cinq ans.

Lord Mayo a eu du moins le mérite de signaler à plusieurs reprises le danger qui résulte pour le gouvernement de charges trop lourdes imposées à la population, et de proposer d’utiles réformes. « Le méconten-