Qu’ainsi ne le sont pas la plupart de ces princes,
Qui, flattés d’un pareil emploi.
Vont s’échauder en des provinces
Pour le profit de quelque roi.
Cette aventure est toujours piquante; mais il ne faut pas, en la racontant, s’accompagner de la harpe de David. Tout le monde sait
que les Allemands n’ont pas fait ce qu’ils voulaient faire, qu’ils ont
subi leur destinée, qu’une puissance infiniment ingénieuse a exploité le sentiment national et l’enthousiasme unitaire au profit de
son ambition, et que, si les destins lui sont propices jusqu’au bout,
avant peu il n’y aura plus en Allemagne que 50 millions de Prussiens. On ne saurait trop admirer l’habileté consommée qui a présidé à cette grande entreprise et la conduite des guerres qui en ont
assuré le succès; elles font également honneur au mérite des généraux, à l’excellence des institutions. Il faut savoir se contenter
d’être heureux, envié et redouté; c’est encore un assez beau partage. Si votre gloire et votre force sont incontestables, c’est en vain que vous voudriez nous faire croire à vos principes, nous vous dirons avec Corneille :
Vous en avez beaucoup pour être de vrais dieux.
Ces principes incompatibles vous jettent dans des contradictions qui
font tort à vos vers. Vous voudriez vous faire passer pour d’honnêtes
bourgeois dont un brigand est venu assaillir la maison et qui ont
fait justice du brigand, — et voilà trente ans que vous convoitez le
bien d’autrui, que vous hissez votre drapeau sur la cathédrale de
Strasbourg! Vous invoquez le droit qu’ont les peuples de s’appartenir, de se constituer à leur guise, et ce droit vous le foulez insolemment aux pieds à Metz et en Alsace. Vous vous êtes cent fois
indignés contre l’humeur conquérante de la France, et le premier
usage que vous faites de votre force, c’est de vous agrandir par des
conquêtes. Vous lui avez reproché son empereur, et vous n’avez eu
rien de plus pressé que de vous en donner un, qui a le droit de
mener ses peuples en guerre sans les consulter. Vous avez censuré
l’incommode jactance de la grande nation, et vous fatiguez tous les
échos de l’Europe de l’énumération de vos grandes vertus. Vous
avez fait ou on vous a fait faire une brillante campagne qui vous
rapporte deux provinces et 5 milliards, et vous entendez que l’on
admire votre générosité; la main sur la conscience, invoquant le
Dieu du Thabor et du Golgotha, vous vous donnez pour les régénérateurs du monde. Étrange contre-sens! quand on a fait un bon
coup et qu’on éprouve le besoin de fêter religieusement son succès,