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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 98.djvu/478

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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 mars 1872.

L’autre jour, à Versailles, comme, à l’occasion de la loi sur l’Internationale, on se laissait aller de part et d’autie à proposer l’éternel remède, la souveraine panacée de la monarchie ou de la république, un interrupteur jeiait dans le bruit ces simples mots : « nous voulons avant tout que la France vive ! » Il n’est pas rare que de semblables paroles retentissent dans l’assemblée, que dans ces tumultes trop souvent renouvelés, au milieu des combats que se livrent les passions des partis, on s’écrie avec une sorte de remords, avec un accent de reproche mutuel : « Et les Prussiens ! et les départemens envahis ! et les 3 milliards à payer ! et le pays qui souffre et qui attend ! » On ne peut certes mieux dire, c’est le cri du patriotisme qui s’exhale de temps à autre dans la confusion des débats publics comme le chœur dans les tragédies antiques, et ce qui éclate sous la forme d’une interruption, tout le monde le pense, tout le monde le sent, cela n’est point douteux. Qu’on écoute les membres de l’assemblée les plus renommés et les plus obscurs, ceux qui comptent et ceux qui ne comptent pas devant l’opinion, il n’en est pas un seul qui ne convienne de tout, qui ne comprenne le danger de provoquer des divisions fatales, de soulever des discussions prématurées, désastreuses ou stériles, qui ne reconnaisse la nécessité de se rattacher à la seule politique possible et salutaire, la politique du patriotisme et du bon sens. Oui, on l’avoue, on le comprend, et on n’en fait ni plus ni moins. Malheureusement ce qu’on dit dans une conversation ou dans une interruption, on ne peut parvenir à le transformer en règle de conduite ; on fait la provision la plus ample de résolutions généreuses, et aussitôt qu’on rentre dans la mêlée, dès qu’on se remet à l’œuvre, on retombe sous la tyrannie des considérations les plus secondaires, on revient aux excitations, aux défiances, aux antipathies de personnes ou d’opinions, à tout ce que l’esprit de parti peut imaginer de plus meurtrier ou de plus futile. On passe le temps à s’observer, à se combattre mutuellement avec des réticences et des arrière-pensées ; on