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prouvent qu’en dehors de cette malheureuse souscription nationale, qu’on a un peu durement découragée, il doit se préparer quelque combinaison. La meilleure serait évidemment celle qui associerait les capitaux étrangers à l’affranchissement de la France, et qui hâterait notre libération en présentant des garanties que l’Allemagne serait disposée à recevoir dès ce moment. C’est là le problème à résoudre avant tout pour que « la France vive, » comme on le disait ; on ne désespère point, à ce qu’il paraît, d’y arriver d’ici à quelques mois. Il faut convenir que devant cette question toutes les autres questions s’effacent, même celle du procès d’un ancien préfet et de la retraite de M. Pouyer-Quertier à la suite de la déposition que l’ancien ministre des finances est allé faire devant la cour d’assises de Rouen.

Elle n’était pas cependant sans une certaine importance, cette singulière affaire qui vient de se dérouler devant le jury normand, elle n’était pas sans une certaine signification dans l’ordre des faits contemporains. L’ancien préfet de l’Eure sous l’empire était accusé, on le sait, d’avoir détourné des fonds du département qu’il était chargé d’administrer, d’avoir prodigué les viremens fantastiques, les mémoires fictifs, pour dissimuler certaines dépenses. M. Pouyer-Quertier, appelé comme témoin, a dit ce qu’il a cru devoir dire ; il a seulement un peu trop oublié peut-être qu’il était ministre des finances en laissant voir quelque complaisance pour un système qui pouvait conduire à des procédés administratifs au moins étranges, à des irrégularités par trop choquantes ; il y a eu même un instant où il a donné une sorte d’éclat à un dissentiment entre lui et ses collègues du cabinet au sujet de ce procès. L’accusé a été acquitté, le témoin a payé de son portefeuille non pas sa déposition, mais l’attitude quelque peu hasardée qu’il avait prise dans cette affaire. Que M. Pouyer-Quertier, dans les explications qu’il a données devant l’assemblée, ait plus ou moins persisté dans des théories financières qui ont été d’ailleurs supérieurement réfutées par M. Casimir Perler, là n’est point la question. Que l’ancien préfet de l’Eure, de son côté, ait été acquitté ou condamné, ce n’est point là encore le point principal. Le jury était libre dans son jugement, il a renvoyé absous l’accusé qu’il avait devant lui, tout est dit ; mais ce qu’il y a de grave et de curieux, c’est cette histoire d’une administration préfectorale sous l’empire qui s’est déroulée pendant quelques jours devant la cour d’assises de Rouen.

Ainsi voilà un aéronaute à qui on demande un mémoire de terrassier pour des travaux qu’il n’a pas faits naturellement ; voilà une somme affectée à un asile d’aliénés qui passe à l’ameublement d’une chambre à coucher ; voilà un argent destiné à un établissement quelconque, et dont on se sert pour les jardins de la préfecture. Les choses vont de cette façon, Il n’y a point de crime, dit-on, ce n’est qu’une irrégularité qui se commet partout, dont le conseil-général avait le secret. Il n’est pas moins vrai que l’irrégularité qui ne cache aujourd’hui aucune action