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ce n’est pas le penchant des vrais patriotes, des vrais libéraux italiens, de ceux qui ont fondé et affermi l’indépendance, de se tourner vers l’Allemagne. Ils sentent au contraire toute la force des liens qui unissent leur pays à la France, et l’homme à l’esprit élevé qui dirige la politique extérieure de l’Italie, M. Visconti-Venosta, ne se prêterait certainement pas, sans les plus graves motifs, à des combinaisons dont nous pourrions nous plaindre. Qui pourrait dire cependant que le travail obstinément poursuivi par la Prusse au-delà des Alpes ne finirait pas par avoir quelque succès, si on persistait à troubler nos relations avec l’Italie par un système permanent d’hostilités et de récriminations ?

Voilà le service que des esprits étroits rendent à notre pays. Ils donnent des armes à M. de Bismarck, ils font ce qu’ils peuvent pour détacher de nous une alliée naturelle, pour décourager des hommes dont les sympathies ont touiours été et sont encore pour la France. Le mal qu’ils s’exposent à faire à notre pays n’est égalé que par cet autre mal que font certaines polémiques de la presse ; si depuis un an la guerre n’a point éclaté entre la France et l’Italie, ce n’est point la faute de certains journaux. Jamais il n’y eut un tel acharnement de faux bruits et d’excitations. Tantôt c’est le gouvernement français qui réclame le rappel de M. Nigra, ministre d’Italie à Paris, tantôt c’est le gouvernement italien qui va nous envoyer M. Minghetti pour nous notifier ses alliances avec la Prusse ou pour remplir on ne sait quelle mission mystérieuse. Un autre jour, c’est M. d’Harcourt qui donne sa démission d’ambassadeur de France auprès du saint-siége en apprenant i’envoi de M. Fournier auprès du roi Victor-Emmanuel, Qu’y a-t-il de vrai dans tout cela ? Absolument rien. M. Nigra n’a eu aucun démêlé avec le gouvernement français. M. Minghetti ne doit pas venir à Versailles, et il n’est nullement, comme on le dit, le partisan d’une alliance de son pays avec l’Allemagne. M. d’Harcourt donnât-il sa démission, et il ne la donne pas, cela ne changerait rien à la palitique française au-delà des Alpes. Le seul fait vrai et permanent, c’est la nécessité de la bonne intelligence entre les deux nations.

Il faut en prendre son parti, l’Italie est désormais une puissance régulière, elle est sortie de la période des épreuves, et tandis qu’elle se développe paisiblement, voilà le dernier, le plus terrible de ses agitateurs, qui vient de disparaître, comme si son heure était passée, Mazzini est mort à Pise, il s’était fait une telle habitude du mystère qu’on s’est demandé si ce n’était pas encore un moyen de dérouter l’opinion ; mais non, il est bien mort, puisqu’on a fait son oraison funèbre dans le parlement italien, après l’avoir très résolûment condamné quand il était de ce monde. Mazzini n’était point certes un homme vulgaire ; son malheur est d’avoir été depuis quarante ans le plus acharné, le plus implacable des conspirateurs et des sectaires. Il a passé sa vie à organiser des complots, et il meurt dans l’obscurité. Il n’avait plus rien à faire dans ce