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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 98.djvu/521

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L’affaire était grave ; le concile fixa pour l’entendre sa onzième action, qui se tint le 29 octobre. Bassianus fut introduit, et sa requête lue en sa présence. Comme elle était conçue dans des termes d’une réserve extrême, et que les persécuteurs dont il dénonçait ; les actes n’y étaient point désignés par leurs noms : « Expliquez-vous, lui dirent les magistrats ; qui sont les gens dont vous vous plaignez ? — Ils sont nombreux, reprit Bassianus, et leur chef est l’évêque Étienne. C’est lui qui détient mon siège épiscopal et mon bien. Je désire que tous les faits que j’énonce soient éclaircis, et en premier lieu ce qui regarde mon épiscopat. Nos saints pères du concile verront si j’ai péché, et décideront de moi comme il leur conviendra. — Que le révérendissime évêque Étienne veuille bien répondre, dirent alors les magistrats. — Il se trouve ici, dit Étienne en s’avançant, des évêques du diocèse d’Asie ; on peut les faire approcher, et je m’expliquerai devant eux ; je demande qu’on appelle Léontius de Magnésie, Maronius de Nysse, Protérius de Smyrne, et d’autres que j’aperçois Là-bas. — Commencez par répondre vous-même, » firent observer les magistrats. Étienne alors s’exprima en ces termes :

« Cet homme-ci, dit-il en montrant du doigt Bassianus, cet homme-ci n’a point été ordonné évêque à Éphèse ; mais pendant une vacance de cette sainte église, réunissant une troupe de séditieux armés d’épées et de gladiateurs de l’amphithéâtre, il a fait irruption sur le trône épiscopal et s’y est assis. Votre magnificence ne jugera pas sans doute que c’est ainsi qu’on devient évêque ; en tout cas, il a été chassé comme le voulaient les canons, et quarante évêques d’Asie m’ont ordonné sur la désignation des nobles, du peuple et du clergé, en un mot de la cité entière. Quant à moi, il y a aujourd’hui cinquante ans que je suis attaché au clergé d’Éphèse. — Ne cherchez point à nous circonvenir ainsi, répliqua Bassianus avec véhémence, j’ai été fait évêque canoniquement, je puis le prouver ; et de plus, je n’ai été ni déposé, ni accusé, ni mis en cause par personne. Depuis ma jeunesse, j’ai vécu pour les pauvres ; j’ai construit un hospice où j’ai placé soixante-dix lits ; parce que j’étais aimé de tout le monde, l’évêque Memnon, jaloux de moi, voulut m’éloigner de la ville. » Bassianus alors raconta son ordination forcée à l’évêché d’Évase, son refus persistant, et comment, dans sa lutte violente contre Memnon et ses satellites, l’autel et le livre des saints Évangiles avaient été souillés de son sang. Suivait le récit de son ordination au siège d’Éphèse après la mort de Basile. Rien d’après lui n’avait été plus paisible et plus régulier : il voulait se dérober à l’honneur qu’on lui destinait ; « le peuple, le clergé, plusieurs évêques présens, lui avaient fait violence, et il s’était assis malgré lui sur le trône épiscopal. » — « J’aperçois d’ici, ajouta-t-il, un des évêques