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des consciences. Heureux eux-mêmes de s’appuyer sur une autorité pareille, les magistrats voulurent savoir si vraiment Proclus avait communiqué avec Bassianus, et interrogèrent à ce sujet les clercs de l’église de Constantinople. « Non-seulement, répondirent ceux-ci, le bienheureux archevêque le reçut dans sa communion, mais il lui adressa depuis lors ses lettres synodiques comme à l’exarque d’Éphèse, et inscrivit son nom sur les diptyques. » Ce témoignage fut accueilli avec des marques de satisfaction par une partie de l’assemblée. Reprenant la suite des interrogatoires, les magistrats demandèrent à Etienne dans quelle forme son adversaire avait été déposé, et si lui-même avait été ordonné dans un concile. Etienne, interdit, balbutia. « Je ne puis, dit-il, fournir de mon intronisation les preuves que vous me demandez. Ne m’attendant guère à ce qu’on fît revivre ici une affaire que je croyais finie, je ne me suis point muni de pièces et ne puis qu’affirmer verbalement. Quant à Bassianus, je répète qu’il a été déposé par l’autorité de l’empereur Théodose, du pape Léon et de l’archevêque Flavien. » Plusieurs fois ce dernier nom avait été invoqué par lui dans l’intérêt de sa cause, sur quoi Cécropius de Sébastopolis, indigné, car l’évêque d’Éphèse était un de ceux qui avaient condamné Flavien au concile du brigandage, l’interrompit en disant : « Seigneur Etienne, que Flavien est puissant, même après sa mort ! » Ce mot et le souvenir qu’il réveillait produisirent une émotion générale. Les évêques et les clercs de Constantinople s’écrièrent : « Éternelle mémoire à Flavien ! Voilà la vengeance, voilà la vérité ! Flavien vit après sa mort ; le martyr prie pour nous ! »

Etienne objectait à son adversaire les canons seizième et dix-septième d’Antioche, dont le premier défend à un évêque vacant de s’ingérer à une autre église vacante, quand même il prétendrait y être forcé, et le second frappe d’excommunication l’évêque qui ne se rend pas à l’église pour laquelle il est ordonné. Or Bassianus, de toute évidence, tombait sous l’application de l’un ou de l’autre canon ; néanmoins les évêques d’Asie penchaient généralement pour lui, et leur prédilection se fondait sur d’assez fortes raisons. En effet, si Bassianus était un usurpateur (et comment se fût-on persuadé qu’il ne l’était pas ?), il avait usurpé un siège vacant. Etienne au contraire s’était intrus violemment sur un siège occupé par un autre. Or entre ces deux actes la différence était grande, et plus d’un évêque, en songeant à lui-même, pouvait trouver le premier crime un péché véniel comparativement au second. Cependant l’interrogatoire se continuait au milieu des démentis mutuels, et les adversaires montraient une aigreur croissante. Le système de Bassianus consistait à représenter son élection comme ayant été parfaitement calme et son ordination comme fort régulière. A la