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New-York et Chicago par Albany, Buffalo, Cleveland et Toledo. Sur un parcours de 1,700 kilomètres, l’on ne comptait pas moins de seize compagnies distinctes. Le tout fut livré au public vers 1852. Presque aussitôt ces compagnies commencèrent à fusionner : les plus pauvres entraient dans l’association avec leur capital intact ; les autres étaient admises avec une plus-value proportionnelle à leur prospérité, si bien qu’une ligne qui ne valait au début que 50 millions de dollars en vint à’ être représentée par un capital de 100 millions et plus. Dans ces dernières années, la compagnie des chemins de fer de New-York à Chicago par Albany se trouvait dirigée par M. Vanderbilt, l’un des plus adroits financiers des États-Unis. Cette voie est vraiment bien détournée (on s’en convainc en jetant les yeux sur une carte) ; elle est en concurrence immédiate avec le canal dont elle suit le cours. Aussi était-il naturel qu’un chemin de fer plus direct fût établi de New-York au lac Érié. On l’entreprit dès 1832, avec un capital restreint de 3 millions de dollars, dont les actionnaires ne payèrent jamais que le tiers : l’état fournit plusieurs millions de subvention ; cependant l’affaire ne réussit pas. La compagnie, impuissant, à se procurer les fonds dont elle avait besoin, avait épuisé son crédit avant l’achèvement des travaux ; elle tomba en faillite, et la ligne fut mise sous séquestre. Une nouvelle compagnie prit la place de l’ancienne avec de plus puissans moyens d’action, qui lui permirent de compléter l’œuvre commencée par les premiers actionnaires. La dépense, évaluée dans le principe à 3 millions de dollars, avait atteint 50 millions, tandis que le produit brut montait à 16 millions 1/2. C’était, à dire vrai, une magnifique entreprise et un travail admirable. Tracée tantôt dans les hautes montagnes des Alleghanys et tantôt à travers les riches vallées de l’Hudson, de la Susquehannah et de l’Ohio, cette ligne s’assurait un trafic local de grande importance et un transit encore plus abondant. Les deux autres routes de premier ordre qui relient l’Atlantique avec les états de l’ouest sont celle de la Pensylvanie, dont il a été question, et celle de Baltimore à l’Ohio. Le tracé en est peut-être moins direct ; par compensation, elles atteignent plus vite les voies navigables qui coulent sur le versant occidental des Alleghanys.

Ces cinq grandes voies de communication se partageaient, il y a douze ans, date des dernières statistiques que nous possédions, un transit de 3,200,000 tonnes. On conçoit, sans qu’il soit besoin de l’expliquer, que la répartition se faisait entre elles d’une façon fort inégale ; les canaux de l’état de New-York absorbaient plus des deux tiers du trafic. Ces lignes rivales étaient destinées à se faire la plus active concurrence jusqu’au jour où elles se mettraient d’accord au