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extenso les pièces et correspondances qui faisaient corps avec eux. Au procès-verbal de l’assemblée d’Éphèse se trouvaient jointes les lettres de l’empereur Théodose II touchant la convocation du concile, et une entre autres fort injurieuse pour l’évêque de Cyr, Théodoret, dont elle prononçait l’exclusion. Quand le secrétaire eut lu cette pièce, il ajouta : « Les choses ont changé depuis lors : notre pieux empereur Marcien a fait cesser l’exil du révérendissime Théodoret, et, sur sa demande, le très saint pape Léon lui a rendu son rang d’évêque ; il peut dont entrer ici, notre empereur l’ayant d’ailleurs convoqué. » Théodoret entra donc ; mais son apparition fut le signal d’un soulèvement général parmi les partisans de Dioscore. Les évêques d’Égypte, d’Illyrie et de Palestine se mirent à pousser des cris assourdissans, au milieu desquels on entendait ces mots: « Miséricorde ! la foi est perdue ; on fait entrer un homme déposé ! Hors d’ici l’ennemi de Dieu, les canons le chassent ! Hors d’ici le précepteur de Nestorius ! » Les évêques d’Orient, de Pont et d’Asie rétorquaient non moins bruyamment : « Ce sont les meurtriers de Flavien qu’il faut chasser ! Hors d’ici les manichéens, hors d’ici les hérétiques ! À la porte ceux qui nous ont fait souscrire un papier blanc, à la porte ceux qui nous frappaient pour nous faire signer ! » Dioscore, se levant au milieu du tumulte, cria d’une voix forte en montrant Théodoret : « Cet homme a anathématisé Cyrille, c’est donc Cyrille que vous chassez ! » À ces mots, la colère des Orientaux ne connut plus de bornes. « Hors d’ici l’assassin ! disaient-ils tous ensemble ; qui ne sait pas les hauts faits de Dioscore ? Chassez d’ici les meurtriers ! » Le parti de Dioscore, prenant sa revanche, se mit à vociférer de son côté, traitant les Orientaux de nestoriens. « Longue vie à l’impératrice Pulchérie, l’ennemie des nestoriens ! criaient-ils ; il y en a encore ici, qu’on les chasse ! Un synode orthodoxe ne reçoit pas Théodoret ! » Théodoret alors, s’avançant dans l’enceinte avec dignité et s’adressant aux magistrats : « J’ai présenté requête à l’empereur, dit-il ; j’ai exposé les cruautés que j’ai souffertes : je demande qu’on examine ma lettre. — L’évêque Théodoret, dirent les magistrats, a été rétabli dans son rang par l’archevêque de Rome ; il peut entrer ici, il y entre comme accusateur, qu’il aille prendre place en cette qualité. » Et Théodoret alla s’asseoir dans la même enceinte qu’Eusèbe de Dorylée.

Au moment où il s’assit près d’Eusèbe, les clameurs se réveillèrent avec une nouvelle énergie, mais en sens inverse ; d’autres clameurs y répondirent. On n’entendait plus dans la basilique que ces apostrophes, qui se croisaient d’un côté à l’autre : « que Théodoret vienne siéger avec nous, l’évêque orthodoxe ! sa place est au milieu de nous, » disaient les Orientaux. — « Ne l’appelez pas évêque, répondaient les Égyptiens, il ne l’est pas : c’est un ennemi de Dieu ;