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dats et moines sous le prétexte que, logeant chez lui Eusèbe de Dorylée et quelques autres, il faisait de sa maison épiscopale un repaire pour les ennemis de l’empereur. « Ce crime, lui disaient-ils, mérite la mort, » et ils voulaient le tuer. Il raconta ensuite comment, s’étant réfugié dans la sacristie de son église avant le vote contre Flavien, on l’y avait mis sous clé, sans vouloir le laisser sortir qu’il n’eût signé. Thalassius de Césarée, qui avait été un des vice-présidens d’Éphèse, protesta qu’il avait été désigné à son insu, et que, lorsqu’il avait voulu s’opposer à des menées coupables, Dioscore avait refusé de l’écouter. L’évêque de Claudiopolis en Isaurie, Théodore, fournit des explications détaillées sur la manière dont le président avait enlevé le vote de la déposition de Flavien, moitié par astuce, moitié par violence. « Ils tenaient entre eux, dit-il, des conciliabules mystérieux autour du siège du président, puis ils venaient nous dire : « Il faut opiner, il faut juger, » à nous qui étions assis simplement à nos places, sans avoir aucune connaissance de l’affaire que l’on nous faisait décider. Nos adversaires allaient de siège en siège pour nous épouvanter en criant : « Coupez en deux ceux qui parlent de deux natures, divisez ceux qui divisent ! » comme pour nous accuser d’être des nestoriens et de soutenir l’hérésie. Sous le coup de semblables menaces, chacun de nous craignit d’être mis hors l’église comme hérétique, et de perdre ceux qu’il avait baptisés. Ne fallait-il pas nous taire ? Nous étions en tout cent trente-cinq, et quarante-deux avaient reçu la défense de parler ; les autres suivaient Dioscore et Juvénal, et, accompagnés d’une foule de gens inconnus, troublaient le concile par leur tumulte. Nous n’avions assurément rien à faire ; ils se sont joués de notre sang ! — Oui, oui, s’écrièrent tout d’une voix les Orientaux, ce que dit l’évêque Théodore est vrai, les choses se sont passées ainsi. » Les Égyptiens accueillaient ces déclarations par des éclats de rire insultans. « Voyez les vaillans évêques, disaient-ils, comme ils font honneur à leur courage ! Est-ce qu’un chrétien craint personne ? Qu’on apporte du feu, nous le verrons ! Il n’y aurait point eu de martyrs, s’ils avaient tremblé comme ceux-ci prétendent qu’ils ont fait. » Pendant cette scène lamentable, Dioscore restait calme sur son siège, l’ironie aux lèvres ; se levant ensuite, il dit : « Puisque ces gens-là soutiennent qu’ils n’ont pas su ce qui avait été jugé et qu’ils ont souscrit sur une feuille de papier blanc, d’abord ils ne devaient pas souscrire sans bien savoir ce qu’ils signaient, la foi étant en question ; ensuite qui donc a rédigé par écrit leurs déclarations (il parlait sans doute des votes motivés qu’on leur arrachait), si ce n’est eux-mêmes ? Que votre magnificence les oblige à le dire. » Pour couper court à une altercation qui eût absorbé toute la séance sans résultat, les magistrats ordonnèrent qu’on poursuivît la lecture des actes.