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dépravée davantage. Aux mauvaises pratiques se sont jointes les mauvaises doctrines. La propagande matérialiste et révolutionnaire agit là comme ailleurs ; elle attaque tous les principes de religion et de morale, elle détruit tous les freins. Toute une littérature de romans et de drames s’adresse à la fantaisie maladive. La famille, dans de pareilles conditions, risque de devenir elle-même un instrument de dépravation. À la vue d’un père qui oublie sa femme, ses enfans, et qui leur montre l’image de l’autorité paternelle dégradée, que peut-elle être, si ce n’est l’école du mépris précoce et de la corruption irréparable ? Et si la seule ou la principale instruction qui pénètre dans cet intérieur par les parens eux-mêmes ou que les enfans reçoivent au dehors consiste en sophismes, en négations, en appels faits aux passions et aux sens, à quel degré d’abaissement et de désordre n’arrivera-t-on pas !

La dernière guerre et la commune n’ont-elles pas jeté un triste jour sur cet état de la famille dans la classe ouvrière et dans cette partie de la bourgeoisie qui s’en rapproche ? Peut-on absolument séparer de cet état la fièvre d’indiscipline et de révolte qui s’est si vite manifestée dans les rangs de l’armée et de la jeune garde mobile ? N’a-t-on pas été péniblement frappé d’une grossièreté de manières qui souvent ne faisait que traduire un brutal orgueil ? D’où venait cette immoralité trop fréquente ? d’où venait cette fureur d’impiété haineuse qui préludait dès le début de la guerre par des symptômes peu équivoques, et qui allait aboutir sous la commune de Paris à la profanation des églises et au massacre des prêtres et des religieux ? Ces jeunes hommes, était-on tenté de se demander, avaient-ils un père, une mère, un foyer, une famille ? avaient-elles un père et une mère, ces pétroleuses qui ont reproduit avec plus de laideur et d’atrocité les tricoteuses de la révolution que notre confiance trop naïve dans l’adoucissement des mœurs rejetait dans les bas-fonds de l’histoire, d’une histoire à jamais finie, disions-nous ? Il ne subsiste que deux suppositions possibles : ou bien ces jeunes gens, ces enfans trop souvent, qu’on trouve mêlés à toutes les révolutions et qui sont les premiers à paraître dès qu’il y a un pavé à soulever, ou bien ces jeunes gens, à peine arrivés à leur complet développement physique et déjà mûrs pour toutes les sortes de cynisme et de cruauté, avaient reçu de la famille même les germes de cette corruption prématurée, ou bien la famille n’avait pas eu une action suffisante pour combattre ces germes funestes, et alors comment ne pas constater tout au moins son déplorable état de faiblesse ?

Dans nos populations rurales aussi, la famille laisse souvent fort à désirer. Sur bien des points de la France, elle est visiblement en souffrance. Sans qu’il soit vrai de dire en général que la population diminue, elle n’y augmente pas selon sa proportion normale ; la