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(ayrété), à posséder un jour le bien patrimonial, ne reçut aucune dot en argent, et devint désormais, avec son mari et ses enfans, partie intégrante de la maison. À la même époque, les autres enfans de Pierre Dulmo étaient pour la plupart en bas âge. Joseph Py avait encore à marier sept beaux-frères ou belles-sœurs et à satisfaire aux engagemens contractés à l’occasion des mariages antérieurs. L’auteur de l’Organisation de la famille nous dit « qu’en 1835 ces dernières obligations avaient été remplies, et que les dots avaient été intégralement payées, qu’un seul beau-frère décidé à garder le célibat restait fixé dans la famille, se réservant, ce qui « été accompli plus tard, de léguer à sa nièce sa part de propriété. » Il ajoute, et tous ces détails ont aussi leur portée, plusieurs particularités qui mettent en action ces libres arrangemens de la famille. Ainsi l’acte notarié du père de famille Pierre Dulmo est un modèle, une charte en quelque sorte, où l’effort pour éluder les conséquences du code civil sur les partages est poussé très loin. Sur un capital de 17,368 fr., il attribue à sa fille aînée, à titre de préciput et hors part, conformément aux articles 913 et 919 du code civil, le quart disponible, soit 4,342 francs. Le surplus devait être partagé entre les huit enfans survivans et assurer à chacun d’eux une part de 1,628 francs. « Depuis lors, dit M. Le Play, toutes les forces de la communauté ont été employées à constituer par l’épargne cette somme, à titre de dot, aux enfans de Pierre Dulmo. Lors de la mort de ce dernier, survenue en 1836, les enfans non mariés n’ont soulevé aucune difficulté contre les intentions de leur père, ni avancé aucune prétention au partage en nature que l’article 815 du code civil leur donnait le droit de réclamer. Trois d’entre eux se sont mariés en renonçant, moyennant le paiement de leur dot de 1,628 fr., à toute réclamation ultérieure sur le bien patrimonial. Les deux autres, restés jusqu’à ce jour célibataires, continuent à faire partie de la maison : selon toute apparence, ils légueront en mourant à leur nièce Savina ou à Marthe, sa fille aînée, leur part de propriété. »

Une réflexion se présente ici naturellement. Si des combinaisons aussi conformes au maintien du patrimoine et à la conservation de la famille sont possibles sous le régime du code civil, il n’en menace donc pas l’intégrité autant qu’on le prétend. Lorsqu’on veut et qu’on sait s’y prendre pour tourner les obstacles, il est conciliable avec ces traditions et cette stabilité qu’on recherche dans les familles moyennes comme dans les grandes. La suite de cette histoire a pour but de détruire une pareille confiance. Quelle famille paraissait avoir plus de chances d’être préservée contre sa propre dissolution et contre le fractionnement de la propriété ? Où la