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Les Burgondes s’étaient présentés d’abord en ennemis. Ils avaient franchi le Rhin en 406, à la suite des Alains et des Vandales. Pendant sept ou huit années, à la faveur des désordres de l’empire et des luttes entre les compétiteurs, ils avaient parcouru et ravagé le pays ; puis ils avaient obtenu du gouvernement impérial la permission de s’établir dans la contrée qui est située entre les Vosges et le Rhin, à des conditions que les historiens ne nous disent pas, mais qui semblent avoir été les mêmes qui étaient imposées à toutes les troupes barbares. Peu d’années après, le gouvernement impérial les punit de quelques incursions en massacrant une partie de leurs bandes et en confinant le reste dans le pays qu’on appelait la Sabaudie. Ces Burgondes, sous un chef qu’ils nommaient roi, étaient une armée au service de l’empire. Leurs rois, en véritables fonctionnaires, portaient des titres de dignités romaines ; Gundioc était magister militiœ, Gondebaud était patrice ; Sigismond écrivait à l’empereur : « Mon peuple est votre peuple ; je vous obéis en même temps que je lui commande ; je parais roi au milieu des miens, mais je ne suis que votre soldat. »

Les Francs étaient dans les mêmes relations avec l’empire que les Wisigoths et les Burgondes. Ils n’avaient reçu de lui des terres qu’à la condition de le servir. Le prologue même de leur loi salique prouve qu’il fut un temps où ils lui obéissaient ; les rédacteurs de ce code se souvenaient encore « du joug très dur » que l’empire avait fait peser sur eux. Ces Francs formaient plusieurs troupes de fédérés ou de lètes, l’une était établie sur l’Escaut, l’autre sur le Rhin, une troisième près de Rennes. Il y en avait beaucoup d’autres ; on voyait des cohortes franques casernées en Espagne, en Italie, jusque dans l’Égypte et dans la Phénicie, même à Constantinople parmi la garde des empereurs. Toutes ces troupes servaient au même titre. Chacune d’elles jouissait de terres en guise de solde, et avait avec elle ses familles, comme les lètes germains et comme les anciennes légions.

Ces Francs se faisaient remarquer par leur docilité ; leurs actes d’insubordination furent infiniment rares en comparaison des services qu’ils rendirent. Le gouvernement impérial eut d’ailleurs assez d’adresse pour les tenir toujours partagés en petits corps indépendans les uns des autres et dont chacun avait son chef. Il fut donc assez facile de les maintenir dans l’obéissance. Si parfois une de leurs bandes venait à se montrer exigeante, et prétendait, comme fit un jour celle de Chlodion, agrandir ses cantonnemens, il n’était pas malaisé de la réprimer par la force ; on voit même que le gouvernement impérial osait quelquefois nommer lui-même leurs chefs, ce qu’il n’eût pu faire à l’égard des Wisigoths et des Burgondes. Ces chefs, qui recevaient peut-être de leurs soldats le titre de roi