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et Augustin l’ont comprise, tels sont les traits principaux de cette société peu bruyante, dont l’influence fut très grande au sein des populations flamandes et hollandaises. C’est de là par exemple que sortit l’Imitation de Jésus-Christ, non qu’elle y ait été composée, car on sait aujourd’hui qu’elle remonte au XIIIe siècle et qu’elle est due aux méditations solitaires d’un moine de l’Italie septentrionale nommé Gersen ; mais ce précieux livre, longtemps oublié et pour ainsi dire perdu, fut retrouvé, transcrit, propagé par Thomas A-Kempis, qui faisait partie des frères. Rien de plus orthodoxe assurément que ce dialogue perpétuel entre une âme pénitente et le Christ consolateur. À la fin du livre pourtant, lorsqu’on a vu tout ce que le fidèle seul, en tête-à-tête avec le divin Maître, a reçu directement de lumières et de grâces, on en vient à se demander à quoi sert encore l’intervention du prêtre. Une telle conséquence, il est vrai, ne pouvait être sentie qu’à la longue, et les frères de la vie commune ne songeaient guère à la tirer. Nous voyons seulement que, dans le catholicisme néerlandais antérieur à la réforme, le mysticisme donnait la main à l’épiscopat dans sa résistance tantôt sourde, tantôt déclarée, aux impulsions et aux prétentions romaines.

Cependant les grands jours du XVIe siècle étaient venus. Les idées protestantes pénétrèrent de bonne heure dans les Pays-Bas, sans y faire dès l’abord des progrès aussi rapides qu’ailleurs. Charles-Quint et surtout Philippe II y mettaient bon ordre. Un changement important s’opéra dans la constitution du diocèse d’Utrecht. Il était devenu trop considérable, eu égard surtout aux circonstances nouvelles, pour qu’un seul évêque pût surveiller efficacement les infiltrations continuelles de l’hérésie. L’évêché d’Utrecht fut érigé en archevêché, et cinq évêques furent adjoints à l’archevêque, avec les villes de Groningue, Leeuwarde, Deventer, Harlem et Middelbourg pour résidences. En même temps le pape conférait à Charles-Quint le droit de nommer les évêques, sous la réserve de l’approbation pontificale. Ces arrangemens, pour ainsi dire extérieurs, n’affectèrent pas encore la constitution intérieure du diocèse ; le chapitre désignait toujours le nouveau dignitaire au choix impérial, et la tradition du catholicisme néerlandais continuait de prévaloir. Par exemple les évêques et leurs prêtres recommandaient beaucoup la lecture de la Bible malgré les objurgations des moines mendians, qui se signaient d’effroi à la vue d’une Bible imprimée ; ils encourageaient l’usage de la langue vulgaire dans les offices de l’église, et dès les premières années de sa formation l’ordre des jésuites rencontra chez ce clergé plus que du mauvais vouloir. Les formes nouvelles de la piété ultramontaine, l’emploi du rosaire, le culte