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tant qu’elles ne la forçaient pas à faire acte positif de protestantisme, et se contentant assez bien de pouvoir reprendre l’exercice de son culte à huis-clos, dans des chapelles soustraites aux regards de la foule. Toutes les forces vives du pays avaient successivement passé du côté de la réforme.

Dans un tel état de choses, la position des évêques et du clergé catholique néerlandais était devenue fort épineuse, hérissée de difficultés inextricables. Si par patriotisme ils consentaient à prêter les mains aux mesures dictées par l’intérêt de la défense du pays, ils couraient risque de trahir leur église et leur conscience. Si au contraire ils revendiquaient au nom de l’Union d’Utrecht la pleine et entière liberté du culte catholique, ils éveillaient les soupçons du parti vainqueur. Approuvaient-ils les lois d’exception rendues contre les moines et les jésuites, ceux-ci ne manquaient pas de les accuser partout de connivence avec l’hérésie. Réclamaient-ils la-liberté pour eux comme pour tous les autres, non-seulement les soupçons se réveillaient de plus belle, mais de plus ils étaient convaincus par de pénibles expériences que les intrigues des jésuites et les formes spéciales de leur piété n’avaient pas peu contribué à dégoûter beaucoup d’esprits du catholicisme et de l’église catholique. Ne soyons donc pas trop sévères pour des hommes placés dans une situation fausse qui les condamnait à se contredire à chaque instant. Il y aurait même souvent lieu d’admirer le zèle et le savoir-faire qu’ils déployèrent pour sauver de ce grand naufrage le peu qui pouvait encore échapper. Les archevêques Sasbold Vosmaer (1583-1614) et Rovenius (1614-1637) eurent à porter le fardeau des plus mauvais jours. Parfois, de guerre lasse, ils se rallièrent au parti espagnol de manière à justifier les accusations des protestans ; le plus souvent ils tâchèrent de séparer nettement leur cause de celle de l’ennemi national, et l’on peut dire qu’en fin de compte ils y réussirent.

La suite prouva en effet que leurs pires adversaires n’étaient pas les états. Ceux-ci, lorsque la victoire sur l’Espagne fut devenue irrévocable, se relâchèrent bientôt de leurs rigueurs, et, à la seule condition de se résigner à la perte des droits politiques, les catholiques furent de nouveau tolérés. Un épiscopat indigène, indépendant de l’Espagne et même jusqu’à un certain point de Rome, semblait donner toute garantie aux défiances des hommes politiques et protéger le catholicisme national contre l’intolérance des protestans exaltés ; mais déjà s’élevait contre cette hiérarchie nationale l’ennemi qui avait juré sa perte. Les jésuites s’étaient glissés de nouveau dans les diocèses néerlandais à la faveur du désarroi général. Un certain nombre de prêtres avait passé au protestantisme,