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devraient-elles pas occuper en plus grand nombre ? Nos compagnies de chemins de fer ont déjà donné l’exemple à toute l’Europe en les prenant comme distributrices. Les femmes ont la vivacité de l’esprit et des doigts qui est nécessaire à une pareille tâche. Les postes aussi leur ont donné de nombreuses positions. L’expérience ayant réussi, on aurait pu l’étendre. Les femmes seraient d’aussi bons comptables que de bonnes distributrices. Les banques pourraient les employer. Il est surtout une administration nouvelle où l’étranger les admet et où nous ne sachions pas que la France les reçoive : ce sont les télégraphes. Notre pays, en excluant les femmes de cette profession aisée, manque à l’exemple qu’il avait donné lui-même. La Suisse a été l’une des premières à recruter dans le sexe féminin une partie de son personnel télégraphique ; l’Union américaine et la plupart des états de l’Allemagne ont fait comme la Suisse.

Un débouché bien autrement vaste et fécond pour les femmes, c’est l’instruction publique. Elles sont plus aptes à l’enseignement que les hommes. Leur esprit qui embrasse moins que le nôtre, saisit et retient mieux : elles ont quelque chose d’absolu dans l’intelligence qui donne la précision et la clarté ; elles ont d’instinct la connaissance de l’enfance : qui possède plus qu’elles la patience, la ténacité et la souplesse ? Insinuantes et fermes, elles savent se faire aimer et conduire doucement l’enfant à leurs lins : au point de vue pédagogique comme au point de vue moral, elles sont admirables et bien au-dessus de nous. Il semble donc que l’enseignement soit leur domaine : ainsi le voudrait sans doute la nature ; les préjugés et les institutions en ont disposé autrement dans les sociétés européennes. L’Amérique cependant nous a donné la preuve de l’excellence des femmes en matière de pédagogie : on sait que presque toute la jeunesse des États-Unis est élevée par elles ; les hautes études aussi les prennent pour interprètes au-delà de l’Atlantique. On a lu ici même[1] les (intéressans récits où M. Hippeau nous montrait des femmes américaines traduisant en chaire Xénophon, ou bien donnant une leçon de géométrie descriptive. Que ces mœurs s’introduisent en France, nous ne le demandons pas ; mais n’y a-t-il pas lieu d’employer les femmes plus que nous ne l’avons fait jusqu’ici dans l’enseignement ? Les difficultés, il est vrai, sont grandes ; elles ne sont pas seulement pédagogiques, elles ne tiennent pas toutes aux préjugés populaires, elles ont aussi leur cause, qui le croirait ? dans notre organisation politique et administrative. Voici quelques faits curieux que nous glanons dans les rapports des inspecteurs d’académie. Dans la Seine-Inférieure, le

  1. Voyez la Revue du 15 septembre 1869, et lo travail de M. de Laveleye dans la Revue du 15 décembre 1871.