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quelquefois sans prétextes justifiables. Les journaux anglais qui se publient en Chine contribuent à entretenir ce sentiment en prêchant la guerre sans relâche. A l’heure qu’il est, le gouvernement chinois peut compter sur 50,000 hommes de troupes armés de fusils à tir rapide, dont 5,000 carabines Remington et 45,000 carabines Enfield. Le vice-roi du Tchéli, Li-hung-tchang, en a 30,000 environ sous ses ordres. Tseng-kouo-fang, gouverneur-général des deux Kiang, en a 20,000 ; ces deux mandarins disposent d’une trentaine de batteries de campagne et de montagne. Leurs hommes savent se servir de leurs armes ; beaucoup d’entre eux ont combattu dans les corps anglo-franco-chinois au temps de la guerre des taïpings et savent ce que c’est que de marcher résolument au feu. Ils présenteraient une tout autre résistance que les cavaliers ou fantassins armés d’arcs et de flèches qui furent opposés à nos troupes en 1860. En évaluant au bas mot les forces qu’il faudrait jeter en Chine, nous ne conseillerions pas de s’y aventurer avec moins de 40,000 hommes accompagnés de cavalerie et d’artillerie. Telle nous semble être la vérité pour le présent ; dans quelques années, les moyens d’attaque devront être plus considérables, car la Chine ne s’arrêtera pas dans la voie où elle est entrée. Les arsenaux et les usines qui ont été organisés pour elle, et dont elle augmente graduellement le nombre et l’importance, donnent déjà des résultats. A Shanghaï et à Nankin, on fabrique des canons, de la poudre et des fusils rayés ; la confection des fusils à répétition du système Remington y a été entreprise également. Le gouvernement poursuit la construction d’une flotte, effort certainement plus long et plus compliqué, mais qui finira par aboutir. Dans ses chantiers de Shanghaï, il a déjà lancé cinq navires ; on y travaille en ce moment à la construction d’une frégate à vapeur. A Fou-tchéou, il possède un véritable port militaire qui dès à présent peut livrer par an trois navires à vapeur en bois, machines et coques complètes. Les travaux y sont dirigés par un corps de 75 Européens, presque tous Français, ayant sous leur direction 2,500 ouvriers chinois. Un navire-école, des écoles de construction navale et de navigation attachées à cette entreprise donneront à la Chine, à échéance certaine et rapprochée, des officiers de marine et des contre-maîtres d’ateliers. Les navires ne sont certainement pas bien formidables, leur armement n’est pas ce qu’il devrait être, et ils ne pourraient se mesurer avec la grosse artillerie ou l’éperon d’une frégate cuirassée, mais c’est en définitive une affaire de peu d’années que d’arriver à la construction des bâtimens blindés. Enfin le cabinet de Pékin vient de décider l’envoi en Amérique de cinq séries de trente jeunes gens qui, partant de Chine à raison d’une série par année, iront pendant dix ans suivre