Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/433

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

créées, il y a certes un grand intérêt, ne serait-ce qu’au point de vue financier, à étudier de très près les résultats de ce régime. Les écoles dont les élèves sont casernes coûtent fort cher de construction et d’entretien ; elles exigent de vastes espaces, des bâtimens spacieux, un personnel considérable pour la surveillance. L’externat supprime une partie des dépenses d’établissement et d’administration. S’il était adopté d’une manière plus large dans notre système d’études, l’état, les départemens et les villes, dont les ressources budgétaires sont aujourd’hui très restreintes, pourraient utiliser au profit d’un plus grand nombre d’écoles les sacrifices que chacun est disposé à faire dans l’intérêt de l’éducation nationale.

En 1829, lors de la fondation de l’École centrale, le prix de l’enseignement annuel fut fixé à 600 francs. On le porta à 800 francs en 1831, et il a été depuis cette époque maintenu au même taux. Les études se prolongeant pendant trois années, la somme que chaque élève verse dans la caisse de l’École est de 2,400 francs ; il doit en outre pourvoir à toutes ses dépenses d’entretien personnel, logement, nourriture, vêtement, etc., ce qui coûte au moins 1,200 fr. par an, soit 3,600 francs pour les trois années. D’après ces calculs, le prix d’éducation ou, si l’on aime mieux, le prix de revient d’un ingénieur civil serait de 6,000 francs environ, somme un peu supérieure à ce que coûte l’instruction d’un licencié en droit, et inférieure aux frais du doctorat en médecine. On pourrait croire à première vue que l’enseignement à l’École centrale est trop coûteux, surtout si l’on fait la comparaison avec les tarifs des institutions analogues qui sont établies à l’étranger, en Suisse, en Allemagne et en Belgique. Cette critique n’est pas fondée. C’est avec réflexion et par système que les organisateurs de l’École ont adopté un prix qui en 1831 devait paraître assez élevé. Il ne s’agissait pas seulement d’assurer par un chiffre suffisant de recettes l’équilibre du budget et de faire face aux besoins très dispendieux d’un enseignement scientifique qui exigeait le concours de professeurs habiles, un matériel de laboratoire, une bibliothèque et des collections. On voulait en même temps que le personnel des élèves se recrutât autant que possible dans les familles aisées qui s’adonnaient à l’industrie ou au commerce, et qui étaient en mesure de fournir immédiatement aux jeunes ingénieurs sortant de l’école un emploi convenable. Ouvrir trop facilement la porte de l’école, c’eût été risquer d’attirer des vocations factices, d’avoir en fin de compte plus de fruits secs que d’ingénieurs ou de jeter sur le pavé des mécaniciens sans ouvrage. Il n’était donc pas indifférent de maintenir à un taux élevé le prix de la pension ; l’école ne recevait ainsi que des élèves de choix, décidés à suivre la carrière industrielle et